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Documentaire

Nan Goldin et Laura Poitras, le combat dans l’œil

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Avec «Toute la beauté et le sang versé», Laura Poitras livre un splendide portrait de l’artiste-activiste, retraçant sa vie et son œuvre en parallèle de sa lutte contre les Sackler, une famille de mécènes impliquée dans la crise des opiacés qui ravage encore les Etats-Unis.
Nan Goldin lors d’une action avec le collectif PAIN en 2018. (T.W. Collins)
publié le 14 mars 2023 à 17h33

La cinéaste Laura Poitras et la photographe Nan Goldin, formant une alliance qui fait événement, offrent à notre époque un film incroyable : à la fois une rétrospective et un manifeste de ce dont l’art, la vie et la lutte politique – le triangle qu’ils peuvent former – sont capables dans l’état actuel des choses. Toute la beauté et le sang versé appartient à un registre rare, celui du sublime documentaire, sans doute parce qu’il se compose, non seulement de multiples choses (il foisonne sans s’arrêter de trancher, jusqu’à un point de sobriété lyrique qui franchit plusieurs fois le mur du son), mais de deux directions principales, audacieusement entremêlées.

L’activisme en personne(s)

L’une, qui a provoqué le tournage, est le combat du collectif PAIN (sigle de grande douleur pour Prescription Addiction Intervention Now) réuni depuis 2017 autour de la figure célèbre de Nan Goldin, pour dénoncer le rôle de la richissime famille Sackler, puissance de l’industrie pharmaceutique, dans ce qu’on appelle la «crise des opiacés», l’addiction de masse aux médicaments antidouleur disponibles sur ordonnance, responsable de la mort de 500 000 personnes aux Etats-Unis. La lutte menée par P.A.I.N., portée publiquement par Goldin et suivie pas à pas par le film, s’est concentrée sur la prégnance du nom des Sackler, mécènes histori