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Netflix saisit la justice française pour pouvoir diffuser les films plus tôt

Le géant américain a annoncé vendredi 11 avril avoir déposé un recours au Conseil d’Etat pour contester la chronologie des médias, qui encadre les délais à partir desquels une œuvre peut être diffusée après sa sortie dans les salles françaises qu’il juge inéquitable.
Le siège de Netflix, à Los Angeles, en 2021. (Mario Tama/Getty Images. AFP)
publié le 11 avril 2025 à 17h19

Le mastodonte du streaming mondial poursuit sa lutte contre les règles qui fixent les conditions de diffusion du cinéma français. Netflix a annoncé ce vendredi 11 avril avoir déposé un recours auprès du Conseil d’Etat, pour contester la chronologie des médias, un accord qui encadre les délais à partir duquel un film peut être diffusé en France. La plateforme de streaming conteste le cadre actuel qui l’oblige à patienter quinze mois avant de pouvoir diffuser un film sorti au cinéma, a indiqué le groupe, confirmant une information publiée la veille par le Figaro. Netflix souhaiterait ramener ce délai à douze mois sans augmenter ses investissements dans la production cinéma française, qui s’établit actuellement à 50 millions d’euros, soit 4 % de son chiffre d’affaires réalisé dans le pays.

Pour favoriser les salles obscures, il est établi en France depuis les années 80, qu’un délai minimum doit être respecté entre la sortie au cinéma d’un film et sa disponibilité, sur les différents supports hors salle, qu’il s’agisse des chaînes de télévision (payantes ou non), les éditions vidéos (DVD, Blu-ray) ou les plateformes de streaming. La contrepartie est simple : plus les diffuseurs financeront le cinéma français, plus le délai d’attente pour diffuser des films sera raccourci. Le 24 janvier 2022, un accord réformant la chronologie les médias donne à Netflix, qui le signe, le droit de diffuser les films quinze mois après leur sortie en salles. Premier contributeur du 7e art tricolore, Canal + peut de son côté diffuser les films six mois après leurs sortie, contre huit précédemment. Mais Prime Video (Amazon) et Disney +, sont de leur côté contraints d’attendre dix-sept mois et refusent dans un premier temps de signer cet accord.

«Situation déséquilibrée»

Le 29 janvier 2025, coup de tonnerre. Disney + obtient, après d’âpres négociations, la réduction du délai imposé de dix-sept à neuf mois. En échange, le groupe américain accepte de porter, d’ici à trois ans, de 20 % à 25 % la part de son chiffre d’affaires français qu’il consacre à la création audiovisuelle dans le pays, dont plus de la moitié (14 %) ira à terme au cinéma.

Le recours de Netflix porte sur le dernier arrêté, conclu le 13 février. Ce dernier a rendu obligatoire un nouvel accord sur la chronologie des médias après des négociations tendues entre professionnels du cinéma et diffuseurs. Cet accord, paraphé notamment par France Télévisions, Canal +, TF1 ou Disney, s’applique à Netflix même s’il n’en est pas signataire qui, de ce fait, se retrouve techniquement bloqué à quinze mois pour les trois prochaines années (2026-2028).

Netflix souligne, selon les mots du Figaro, une «situation clairement déséquilibrée», notamment face aux nouveaux droits accordés à Disney +. Certes, son concurrent hollywoodien mobilise une part plus grande partie de son chiffre d’affaires. Mais en valeur absolue la somme – une quarantaine de millions d’euros – reste inférieure à celle mise sur la table par Netflix qui rappelle dans un courrier, révélé par Variety, ses liens avec la Cinémathèque française, ses coproductions pour Jeanne du Barry, le biopic Flo sur Florence Arthaud ou les Segpa au ski et son partenariat avec la Femis comme autant de preuves de son intégration au système du cinéma français. Netflix s’appuie donc désormais sur le Conseil d’Etat pour tenter d’obtenir gain de cause.