Joe parle vite et formule formidablement ses pensées. Sa clarté devrait nous aider. Joe nous alerte immédiatement : «Je crains que vous me genriez mal.» Joe est une personne non binaire et se reconnaît dans le pronom iel. Une transition douce qui rend plus évidente son androgynie, ni tout à fait garçon ni totalement femme ou les deux à la fois, mais en tout cas, rien de fixe, ni d’assigné.
Physiquement, Joe a des faux airs de David Bowie et Tilda Swinton. Joe sourit de cette filiation imaginaire : «Ça me va.» Il y a dix-sept ans, Joe était, selon ses propres mots, «une autre personne» socialisée comme une jolie jeune femme. C’est à cette époque que selon Joe, au moins un viol aurait eu lieu en 2009, puis deux autres, trois ans plus tard, lors de la rupture, assortis d’un marquage au corps : une morsure jusqu’au sang à la poitrine, comme l’atteste un témoin direct qui a recueilli Joe en état de choc et que Libération a contacté.
Le mis en cause est Jacques Doillon, aujourd’hui âgé de 80 ans. Si les faits sont reconnus par la justice, Joe sera une victime non prescrite du cinéaste. L’acte de porter plainte a été mûrement réfléchi : «J’y pensais depuis longtemps. Je ne passais pas le cap. Notre fille a 13 ans. C’est délicat de porter plainte contre le père de son enfant. J’ai longtemps eu peur que ce soit une épreuve trop difficile à vivre pour elle.» Joe ajoute cependant : «Quelle que soit l’issue, j’ai eu le sentiment de me réapproprier ma