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Documentaires

«Nuit obscure» de Sylvain George : des jeunes migrants présents en ombre

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Dans une sublime trilogie en noir et blanc, le cinéaste filme au plus près l’exil des harragas, magnifiques et traqués de la ville-frontière espagnole Melilla aux rues sombres de Paris.

Guettant la mer, les garçons ont des regards chavirés. (Noir production)
Publié aujourd'hui à 6h28

Qu’importe qu’on ait vu ou jamais entendu parler de los Olvidados, le film de Buñuel, il faut voir Nuit obscure, de Sylvain George. Le triptyque est le prolongement au long cours du film mexicain de 1950, en figure l’espèce de recommencement impératif. Et puis on songe à une autre trilogie solitaire, celle de Bill Douglas, ce fusain, ces misérables, ce noir et blanc buté. On pense aux autres envoûtements de cinéastes photographes et des poètes en prose, Pasolini, Murnau, Barnet, De Bernardi, et puis Soulages, Victor Hugo.

Sylvain George travaille le noir depuis vingt ans, c’est un aquafortiste. Lui-même, après des documentaires expérimentaux en étude et défense des migrants, des soulèvements (Qu’ils reposent en révolte, Paris est une fête…) n’est pas avare en références, lesquelles forment une constellation où scintille à présent cette œuvre au noir immense, filée sur plusieurs années de tournage, de 2021 à 2024.

Les titres des trois parties sont des emprunts à des poètes révoltés : Walt Whitman (Feuillets sauvages), Arthur Rimbaud (Au revoir ici, n’importe où), et Sojourner Truth, l’activiste noire abolitionniste et féministe paraphrasée («Ain’t I a Child ?