On n’en voit pas si souvent, des films d’adolescence (et d’adolescentes) musculeux, qui fuient le livre d’images éthérées et la délicatesse de vestales. On se laisse aspirer par Olga un peu par hasard, comme quand on tombe en arrêt devant les épreuves des JO à la télé. Il n’y a qu’à voir la manière dont le Français Elie Grappe filme la jeune Nastya Budiashkina, solide premier rôle d’un casting de véritables athlètes, pour saisir ce qui fascine dans le spectacle de la gymnastique. On veut admirer des corps qui voltigent et se rattrapent in extremis pour imaginer ce que cela ferait de les voir tomber. Pas de soulagement sans cette sensation de chute préalable qui laisse en apnée, pas de sensation de beauté sans avoir ressenti le vertige du lâchage, la peur panique du déséquilibre. Le film, très sagement campé dans un scénario qui retombe sur ses pieds, manquerait assurément de nerf et de porte-à-faux sans ces moments d’instabilité.
Symbolisme insistant
Il décrit donc le déchirement d’Olga, gymnaste ukrainienne de 15 ans, jeune espoir de la discipline dans son pays, où elle prépare le championnat européen. Forcée d’émigrer en Suisse quand éclate la révolte de Kiev en 2013, elle laisse derrière elle sa mère journaliste, qui couvre les événements, et renonce à sa nationalité contre une nouvelle couleur de maillot. On conviendra qu’un défaut récurrent des films sportifs est de se complaire dans le symbolisme insistant. Ici, alors que l’Ukraine est saisie de haut-le-corps, le rapport est vite fait entre le diagnostic d’un peuple immobilisé et celui de la «fracture de fatigue» qui cloue Olga au sol. Mais c’est parce que le récit s’insère dans cet épisode de troubles politiques précis qu’il trouve parfois son expressivité propre, dans les plis d’un schéma narratif très réglé. Cela tient par exemple à une simple surimpression de plans : une vue du gymnase se mélange avec les vidéos (authentiques) du chaos de la place de l’Indépendance à Kiev. Et voilà que la vision de manifs réprimées dans le sang, imbriquées à celle de corps d’adolescentes à l’entraînement, laisse éclater l’évidence morose d’un envol écrasé d’avance.