S’il est un artiste qui s’est confronté au vertige de sa propre disparition, c’est bien Pasolini. Il y a bien sûr la mort mystère, dont les circonstances demeurent à ce jour irrésolues, son assassinat la nuit du 1er au 2 novembre 1975, son cadavre atrocement mutilé, retrouvé sur la plage d’Ostie, non loin de Rome et de ses faubourgs déshérités, les fameuses Borgate (sans s), dont le cinéaste avait fait le décor de ses premiers films. Crime sexuel (une passe qui aurait mal tourné, si l’on en croit la thèse officielle rapidement contestée) ? Massacre homophobe ? Contrat mafieux ou assassinat politico-judiciaire commandité en haut lieu ? Observateur critique d’une Italie en pleine mutation, Pasolini dérangeait. Sa mort mille fois commentée ferait presque écran à la puissance de l’œuvre implacable, poétique, provocante, qui n’avait pas attendu la fin tragique de son auteur pour penser la violence et le corps supplicié. Trépas christique du mac paumé d’Accattone, martyr d’Ettore, le fils perdu de Mamma Roma, quand ce n’est pas l’agonie du Christ en croix lui-même (l’Evangile selon saint Matthieu), jusqu’aux corps-marchandises, victimes d’un système consumériste totalitaire, dont Salò ou les 120 journées de Sodome, l’ultime déflagration cinématographique sortie peu après son décès, aura métaphorisé l’horreur en modernisant le Marquis de Sade.
Mais le vertige c’est d’abord celui qu’inspire l’œuvre interrompue. Pasolini aurait eu 100 ans cette année. Une r