A mesure que son pays, à l’unisson de la planète, se jette en connaissance de cause dans les bras du fascisme, le cinéma épique du Philippin Lav Diaz se fait de plus en plus direct, cherchant à son propos et à sa forme une sorte d’état brut, d’ailleurs pas incompatible avec la pose ni la haute sophistication. Son dernier film, Quand les vagues se retirent, aborde frontalement, par une fiction sans ambages, les assassinats de masse aux dizaines de milliers de victimes perpétrés par la police et les milices sous le mandat du président Rodrigo Duterte (2016-2022) sous prétexte de «guerre contre la drogue». Le lieutenant enquêteur Hermes Papandan, beau salaud activement impliqué dans ces meurtres à grande échelle, s’y retrouve soudain en proie à la mauvaise conscience, sa culpabilité s’exprimant sous la forme cutanée d’un virulent psoriasis qui progresse à mesure que le film s’enfonce dans la noirceur. Son double et ancien mentor, Primo, qu’il a trahi et fait chuter dix ans plus tôt, sort quant à lui de prison, dans un état de délire messianique avancé, bien décidé à se venger d’Hermes – le film sera leur lent parallèle, jusqu’au face à face fatal.
Quittant ses précédents registres allégoriques ou historiques, Lav Diaz se cherche un réalisme de la dénonciation, qui va tout droit à la grimace, pour évoquer la déréliction complice, génocidaire qui affecte son pays. Tourné en 16 millimètres noir et blanc, en film noir contrasté et brumeux, Quand les vagues se retirent