Radu Jude signe les films actuels les plus libres, les plus drôles, les plus fous. Sous la modestie, aussi sincère qu’elle est une façon de dissuader la flagornerie, derrière l’affabilité et la politesse de parler français en nous laissant parfois trouver ses mots, l’homme témoigne d’autant de douceur que ses fictions sont punks, provocs, brillantes et féroces. Armé d’un verre d’eau et d’une culture gigantesque, le Roumain relate avec un peu d’ordre le processus qui préside à la construction de ses chaos.
Vos films s’enchaînent, longs et courts. Vous n’arrêtez pas de travailler en fait.
Ça, c’est la leçon de la Nouvelle Vague. C’est une question importante. Godard a beaucoup parlé de ça, du refus de travailler, d’une certaine manière. Les gens veulent seulement fournir des chefs-d’œuvre mais pas de travail. Dans d’autres domaines artistiques, au théâtre par exemple puisque je fais aussi un peu de théâtre, la reconnaissance ne se passe pas comme au cinéma où, dès le premier ou deuxième film, on crie au génie. Mais au cinéma, c’est un peu pervers que quelqu’un fasse un seul film et instantanément soit qualifié de génial. C’est peut-être parce que je ne suis pas assez doué, talentueux, mais ce qui m’intéresse est de travailler à la caméra et aux disposi