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Libération
Critique

«Reine mère» avec Camélia Jordana : à la lueur du lourd

Malgré la verve de l’actrice, la fable sociale installée dans la France des années 90 est trop inoffensive pour tomber juste.
Camélia Jordana en «reine» Amel. ( Kazak et Frakas Productions)
publié le 11 mars 2025 à 19h55

Si l’héroïne d’Un divan à Tunis, le premier film de Manele Labidi, renouait difficilement avec sa Tunisie natale après avoir habité en France, Reine mère fonctionne en sens inverse. Des années après avoir quitté une famille tunisienne aisée pour fonder la sienne à Paris, Amel peine toujours à concilier ses rêves de grandeur et son statut d’immigrée. Au grand dam de sa fille Mouna, la «reine mère» refuse de chercher du travail ou de quitter la capitale pour un logement social, même quand une expulsion menace de les mettre à la porte.

Autour de ce personnage fantasque, animé par la verve de Camélia Jordana, Reine mère prend soin d’observer les éléments plus ou moins anodins qui participent, dans la France des années 90, à maintenir une barrière entre les Français installés depuis plusieurs générations et «les autres» ; c’est notamment la Zoubida, infâme tube signé Lagaf qui semble poursuivre Mouna, ou la phrase toute faite, enseignée à la jeune fille, qui veut que Charles Martel ait «arrêté les Arabes à Poitiers en 732».

Ici s’arrête cependant la peinture sociale, diluée dans une extravagance de façade qui, la faute à une mise en scène ratatinée, tombe souvent à plat. Charles Martel se matérialise par exemple sous les traits de Damien Bonnard auprès de Mouna, dont il devient l’ami imaginaire, orientant rapidement Reine mère vers une fable plus guillerette mais aussi plus superficielle. Le film n’est pas aidé par sa photographie, grossièrement saturée d’orange et bleu, qui rappelle fortement celle des productions formatées qui apparaissent fréquemment sur les services de streaming. Reine mère ressemble in fine à une sorte de téléfilm Disney, parfois sympathique mais surtout inoffensif.

Reine mère de Manele Labidi avec Camélia Jordana, Rim Monfort, Sofiane Zermani… 1 h 33.