A la mort de Sacha Guitry (1885-1957), qui l’avait dirigé dans trois de ses films, notamment la Poison et la Vie d’un honnête homme, Michel Simon avait eu ces mots magnifiques : «Il me consolait d’être au monde.» Au-delà du souvenir ému d’un vieil acteur rendant hommage à son ami disparu, cette douleur de vivre rassérénée pourrait résumer en filigrane la philosophie qui émane du cinéma de Guitry, léger mais profond : comme si la gaîté, l’ode à la frivolité des années de jeunesse, serties d’inventions virevoltantes et formules étincelantes s’arrimaient évidemment à la mélancolie, à l’acuité d’un regard on ne peut plus lucide quant au tragique de l’existence et à sa noirceur, auxquels il aura eu la suprême élégance de ne jamais s’abandonner complètement, même dans ses œuvres tardives les plus amères et crépusculaires. Oui, Guitry nous console d’être au monde, précisément parce qu’il n’en est pas dupe.
Sa langue a la brûlante malice des moralistes, de ceux qui implacablement épinglent les travers de la nature humaine avec une ironie joyeuse qui virera au cynisme désabusé à la fin de sa vie. Mais c’est par le cinéma, avec lequel il entretiendra des rapports complexes et paradoxaux, qu’il poussera le plus loin la traversée des apparences, la mise à nue des artifices, les jeux d’illusionniste et les puissances du faux.
Virtuose de la langue
Ce n’était pourtant pas gagné tant Guitry dans sa jeunesse, à l’époque où le cinématographe ne parlait pas encore, méprisait cet «art en conse