On croit souvent Liliane de Kermadec la cinéaste d’un seul film. C’est faux, elle a réalisé à partir des années 60 et jusqu’à sa mort en 2020 une petite vingtaine de films, longs et courts, divers, télé et ciné, fictions ou documentaires. Au cours de la seconde moitié de sa vie, elle mène à bien des projets autoproduits autour de figures aussi variées – mais secrètement liées par la politique et le genre – que l’éditrice de l’œuvre de Charles Fourier, Simone Debout-Oleszkiewicz (Paris ou l’utopie perdue, 2018), ou les femmes du mouvement révolutionnaire des Tupamaros en Uruguay (le Cri des fourmis, 2015). S’il est donc faux qu’elle est la réalisatrice d’un seul film, Aloïse (1975), toutes ces autres productions sont invisibles, perdues, inachevées, hors circuit. Liliane de Kermadec est à peine une artiste mais maudite. Comme Aloïse.
Condition féminine sans destinée
L’artiste suisse d’art brut Aloïse Corbaz, que la fiction ici renomme Aloïse Porraz, fut maudite parce qu’elle a passé sa vie à ne pas devenir l’artiste attendue de son ambition, par succession de ruptures, d’effacements et d’effondrements que les plans dénombrent, sans que rien ne fasse lien ni destin. Aloïse se rêvait chanteuse lyrique et libre, elle finit par écrire et peindre enfermée à l’asile (diagnostic final : démence précoce). Artiste sur le tard et dans l’obscurcissement d’un esprit pacifiste fracassé par la déclarat