Luc Moullet, à une époque où de jeunes critiques aimaient à se «renommer» (Godard en Hans Lucas ou Eric Rohmer, qui annula Maurice Schérer), aurait pu prendre pour pseudonyme «Jarry Lewis». Ça vous pose l’homme et l’artiste, et le modèle, en tant qu’acteur auteur zébulon apparaissant dans la plupart de ses films. Moullet admire les deux : Alfred Jarry, auquel le comparait souvent Rivette, confie-t-il dans son autobiographie parue en 2021, Mémoires d’une savonnette indocile, et dont Parpaillon revendique l’inspiration, même si elle est fausse, et avec lequel il partage l’amour invétéré du vélo (anagramme de «love», il note). Et Jerry Lewis, dont il a salué le génie burlesque et auquel on pourrait jurer qu’il s’est identifié, dont il partage un sens loufoque mais méthodique de la mise en scène, ce découpage en petits carrés et en mètres cubes des films, en vignettes apposées que l’auteur a charge d’unifier, de trouver un liant, un mouvement en circuit. Bas de visage en caoutchouc et voix nasillarde affectée de bégaiement : on trouve aussi chez ces deux-là un sens particulier du double et du doublon, le goût des duos comiques. Moullet, qui cherche à cataloguer le réel (donc à s’en garder) selon de folles nomenclatures, qui a classé les cinéastes selon leur région d’origine et le
Cinéma
Ressortie en salles : Luc Moullet ou le je de dupes d’un cinéaste loufoque
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Dans «Anatomie d’un rapport» (1975), Luc Moullet encaisse le magot d’un homonyme par erreur. (La Traverse)
par Camille Nevers
publié le 4 février 2024 à 16h11
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