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Libération
Marseille pépé

Retour au cinéma de Marcel Pagnol, le touchant des cigales

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Dans le sillage d’une rétrospective qui vient de se terminer à la Cinémathèque française, les magnifiques films du cinéaste provençal, où le mélodrame côtoie la comédie populaire, retrouvent le chemin des salles dans des versions restaurées.
Raimu et Pierre Fresnay dans «Marius» (1931). (Carlotta films)
publié le 24 juillet 2024 à 6h03

Pour évoquer Pagnol, on pourrait, parce que c’est facile, s’abreuver à la source. Celle de Manon, des sauvageonnes et des puisatiers de l’arrière-pays provençal où ses images s’enracinent, celle des éléments telluriques, de ces eaux qui jaillissent des entrailles de la terre, sinuant au cœur de la garrigue pour lui redonner vie. Mais aussi revenir aux sources du cinéma (puisqu’il est né la même année que lui en 1895, à quelques arpents d’oliviers de La Ciotat qui en fut le berceau) : la lumière, le flux, un mouvement vibratile incessant arrimé au désir. Il est des corps-cinéma, corps sans organe, machines désirantes – et de désir, de passion, il sera toujours question chez Pagnol. Mais son cinéma, lui, s’infuse tout entier dans la parole, qui est à la fois un corps, un flux et une eau vive, irriguant ses films des heurts de la vie et de tout ce qui va avec : la nature bruissante et «cigalante», l’énergie, l’émotion, le rire, les larmes, la fièvre dévorante à laquelle on ne peut se soustraire, celle qui brûle les amants (l’appel de la chair dans la Femme du boulanger) les attire irrésistiblement (le couple inaugural qui ressuscite la terre dans Regain) ou les éloigne (l’appel de la mer, dans Marius), et, sous les atours d’une bonhomie toute méridionale, le tragique, le secret et les puissances obscures du destin. Oui Pagnol c’est d’abord à l’oreille qu’on le reconnaît : les inflexions chantantes de l’accent du sud, les colères homériques et bourrues de Ra