Repéré avec ses courts métrages (le Film de l’été avait reçu le prix Jean-Vigo 2017), Emmanuel Marre s’associe à Julie Lecoustre pour signer ce premier long moins balec que le titre ne le laisse croire : Cassandre, hôtesse de l’air dans une compagnie ultra low cost, enchaîne mécaniquement les shift, répétant à l’envi les mêmes gestes («ici les issues de secours…») et quand le travail est fini, encore les mêmes gestes (swipe gauche sur son appli Tinder). Adèle Exarchopoulos, dont on a toujours l’impression qu’un nouveau film avec elle est une façon de prendre de ses nouvelles, offre une mine fatiguée et chagrine à ce personnage qui, malgré les fêtes à Majorque et les shots de vodka en cabine équipage, a l’air ailleurs. La première partie de Rien à foutre, la plus prenante et singulière, est tout entière consacrée à ce blues comprimé par le travail, contrôlé par lui, et à cette immersion rêche et totale (Marre et Lecoustre tournent selon une méthode qui doit beaucoup au documentaire) dans le monde des prolétaires du ciel, dont on ne se souvient pas d’avoir déjà vu des images de cinéma. Dommage que le film choisisse, dans sa deuxième partie, de redescendre doucement sur Terre, et de rassembler ses enjeux autour de la famille (avec des scènes de réconciliation plus attendues) et du passé qui serait forcément à-affronter-pour-aller-mieux. Moins planant.
Issues de secours
«Rien à foutre», hôtesse de l’ère
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Adèle Exarchopoulos en hôtesse de l'air fatiguée. (CONDOR Films)
par Laura Tuillier
publié le 11 juillet 2021 à 22h08
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