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Libération
Ressortie

Si Visconti m’était reconté au cinéma

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Entre splendeur et ténèbres, quatre films du cinéaste italien aux héros tourmentés font l’objet d’une ressortie en salles, parmi lesquels «Ludwig», enfin diffusé en version complète.
«L’Innocent», sorti en 1976, dernier film de Visconti. ( Les Acacias)
publié le 31 juillet 2024 à 5h55

Contempler, impuissant, les derniers feux d’un monde finissant pris dans le chaos de l’Histoire déjà prête à en enfanter un autre, plus prosaïque et plus brutal… S’abandonner à sa beauté enténébrée qui, malgré son éclat, porte en germes les stigmates de sa déliquescence et de l’inéluctable pourrissement à l’œuvre… Le cinéma de Luchino Visconti, d’une saisissante cohérence sous l’apparente métamorphose du style, n’aura finalement cessé d’évoluer à pas lents sur les débris d’un monde qui s’écroule, comme si filmer, pour lui, revenait à traverser un champ de ruines. Et ce, des premières tragédies réalistes au trait charbonneux sur le petit peuple du Sud broyé par la misère ou l’exil (La terre tremble, Rocco et ses frères) à l’esthétisme chatoyant et fastueux d’amples fresques historiques (le Risorgimento et l’unification italienne dans Senso et le Guépard, l’avènement du IIIe Reich dans les Damnés, la vie de Louis II de Bavière dans Ludwig).

Une hypothèse : à l’origine, peut-être, de cette œuvre portée par les ténèbres, une image monstrueuse ornant les armoiries de ses ancêtres qui longtemps régnèrent sur le duché de Milan. Soit une chimère couronnée, mi-serpent mi-dragon, avalant un bébé.