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Libération
Etats-Unis

«Sinners» pèche dans le désastre

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Mélangeant sans sourciller action et horreur, blues et basses électroniques dans le Mississippi des années 1920, le film mutant de Ryan Coogler ressemble à un exercice de style daté.
Michael B. Jordan incarne deux frères à la fois. (Warner Bros)
publié le 15 avril 2025 à 16h09

Une scène très kitsch à la fin du premier tiers de Sinners dit son improbable projet. Elle se déroule alors que la soirée d’ouverture du juke joint des frères Smoke et Stack (Michael B. Jordan joue les deux, façon Faux-Semblants) bat son plein. Homologue afro-américain du honky tonk où l’on venait socialiser dans les vapeurs de whisky de maïs, le juke joint est l’autre lieu, avec les champs de coton, d’épanouissement du blues ; et, pour Ryan Coogler, qui en fait le lieu central de son film, le berceau de toutes les expressions contre-culturelles afro-américaines auxquelles Sinners entend rendre un hommage fervent et poétique. La scène en question, qui est aussi celle où bascule l’intrigue, est visuellement ahurissante, une allégorie à peine croyable d’audace et de naïveté cinématographique où l’apprenti bluesman Sammie brise la membrane de l’espace-temps et fait survenir par la force de sa voix musiciens et danseurs de hip-hop, de techno, etc. dans le Mississippi des années 1920. Sinners n’est pas un film d’horreur, ni une carte postale du Sud ségrégué de l’ère Jim Crow, ni même un mélange des deux : c’est un