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Justice

«Nous allons contre-attaquer» : la justice décide de ne pas retirer «Sous la Seine» du catalogue de Netflix

Le cinéaste Vincent Dietschy, qui accusait la plateforme d’avoir utilisé son idée d’un monstre nageant dans le fleuve parisien, a été débouté par le juge des référés ce mercredi 3 juillet. Le cinéaste annonce répliquer, ne se sentant «pas entendu sur le fond».
«Sous la Seine» est disponible depuis le 5 juin sur Netflix. (Netflix/Everett Collection.Aurimages)
publié le 3 juillet 2024 à 18h38
(mis à jour le 4 juillet 2024 à 11h41)

Le film restera finalement disponible sur Netflix. Ce mercredi 3 juillet, le tribunal judiciaire de Paris a débouté en référé le réalisateur Vincent Dietschy, cinéaste qui lui demandait de sommer la plateforme de retirer Sous la Seine de son catalogue, devenu le long métrage français le plus regardé sur Netflix. Il accusait la firme américaine de «parasitisme», une notion proche de la concurrence déloyale et du plagiat.

Dans cette procédure d’urgence, la justice ne s’est pas prononcée sur le fond au sujet de ce film, mais a jugé «irrecevable» la demande du réalisateur et de sa coscénariste Emily Barnett d’interdire sa diffusion, car ils ont attaqué la branche française de Netflix et non le siège européen de la plateforme américaine, basé aux Pays-Bas. «La société SAS Netflix France n’est pas l’exploitante, l’éditrice, ni l’hébergeur de la plateforme Netflix qui apparaît être la société Netflix International BV», souligne l’ordonnance de référé.

«Je trouve terrible de ne pas pouvoir être entendu sur le fond», estime Vincent Dietschy au lendemain de la décision. Le réalisateur débouté annonce «contre-attaquer», ce que confirme son avocate, Me Héloïse De Castelneau dans un communiqué : «Cette décision […] nous conduit à fédérer autour de nous dès aujourd’hui de nouveaux soutiens pour réussir, dans les meilleures conditions, à aller au bout de nos actions». Une des options envisagées : attaquer la société internationale de Netflix, aux Pays-Bas, en justice. Une démarche qui «demande du temps et surtout beaucoup d’argent», souligne l’avocate.

Aujourd’hui, Vincent Dietschy estime que cette procédure dépasse son propre cas. «Même si je me bats pour moi, ça concerne tout le monde». «Les auteurs, déjà fragiles face aux producteurs et financeurs de l’audiovisuel ne se retrouvent-ils pas tout simplement démunis face à la puissance démesurée d’une plateforme étrangère ?», questionne Me De Castelneau dans son communiqué. «Il faut trouver un moyen de donner la possibilité aux auteurs de donner leurs points de vue aujourd’hui, et de les fédérer», renchérit Dietschy.

Lors de l’audience le 14 juin, le juge avait entendu les demandes des deux parties, alors qu’une procédure de fond doit être entamée en septembre. D’un côté, Me Héloïse de Castelnau représentait Vincent Dietschy. Ce réalisateur racontait en avril à Libé avoir songé à un projet de film en 2012 ; celui d’un silure, transformé par des mutations génétiques et mangeur d’humain, qui fait apparition dans les eaux de Paris en pleine manifestation sportive. Malgré plusieurs années de travail, il n’avait pas réussi à rassembler les financements nécessaires pour le produire.

En face, Netflix a diffusé le 5 juin le film Sous la Seine sur sa plateforme, un long-métrage très similaire dans son principe et son déroulé. Il raconte l’histoire de Sophia (Bérénice Bejo), scientifique ayant vécu un drame lors d’une expédition en mer, et Adil (Nassim Lyes) policier de la brigade fluviale, qui tombent sur un requin mutant qui a fait son nid dans les réservoirs d’eau de Paris, et croque les riverains, pendant les championnats de triathlon, la «vitrine des Jeux olympiques».

«Les Dents de la mer» et Steven Spielberg

C’est cette ressemblance que Me De Castelnau avait tenté de démontrer lors des débats du 14 juin. Avec Vincent Dietschy, elle avait recoupé tous les «points de contact» des deux films dans un tableau transmis au magistrat, qui avait aussi été résumé en vidéo. Le représentant de Netflix, Me Charles Bouffier, avait quant à lui centré son argumentaire autour du film de genre, ce qui expliquerait donc les ressemblances entre les deux films d’horreur sur des créatures sous-marines. Il avait aussi ironisé sur les comparaisons possibles des deux films avec les Dents de la mer, assurant que Steven Spielberg lui-même pouvait être poursuivi au même titre que Netflix. «Dans les droits d’auteur, on parle de rencontre fortuite entre deux idées similaires. Or les idées ne sont pas protégées par la loi», avait-il déclaré. Contacté au lendemain de la décision de justice, Me Bouffier n’a pas souhaité «commenter une affaire en cours».

Vincent Dietschy n’a pas terminé sa bataille juridique puisqu’il a assigné en justice, sur le fond cette fois, deux producteurs de Sous la Seine, Edouard Duprey et Sébastien Auscher, ainsi que l’agent et patron d’Adéquat, Laurent Grégoire. Il les accuse de «parasitisme», une notion proche de la concurrence déloyale et du plagiat résumée en 2001 par la cour d’appel de Nancy comme une pratique qui «procède de l’usurpation du travail d’autrui […] notamment en copiant servilement sans apport nouveau certaines idées relevant d’une créativité particulière». Il demande à ce titre aux trois hommes et à Netflix de lui verser des dommages et intérêts de plus de 3 millions d’euros.

Mise à jour : le 4 juillet, à 11 heures 30, avec les réactions de Vincent Dietschy, Me De Castelneau et Me Bouffier