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Libération
Mea culpa

Spielberg regrette que son film «les Dents de la mer» ait conduit au massacre des requins

La biodiversitédossier
Interviewé par la BBC radio, le réalisateur américain a confié ses remords quant à la menace qui pèse sur les requins depuis la sortie de son long-métrage en 1975.
Steven Spielberg sur le tournage de son film «les Dents de la mer», en 1975. (Universal - Zanuck-Brown/Collection ChristopheL via AFP)
publié le 19 décembre 2022 à 17h04

«Je regrette vraiment que la population de requins ait été décimée à cause du livre et du film. Je le regrette vraiment, vraiment.» C’est par ces mots que Steven Spielberg, interviewé par la BBC radio dans l’émission Desert Island Discs ce dimanche 18 décembre, a exprimé ses remords après le succès de son deuxième long métrage : Les Dents de la mer, et les conséquences de ce dernier sur la faune marine au lendemain de sa parution en salles, il y a 47 ans. Car si ce thriller sanglant - adapté du roman éponyme de Peter Benchley - fit tressauter les salles de cinéma à sa sortie en 1975, il a profondément bouleversé la perception des requins par le public, contribuant ainsi au massacre en masse de ces animaux marins.

«C’est une des choses que je crains toujours, confie par ailleurs le réalisateur américain, que les requins m’en veuillent en quelque sorte pour la frénésie alimentaire des pêcheurs sportifs fous qui s’est produite après 1975.» Une inquiétude légitime, puisque selon une étude publiée dans la revue Nature l’année dernière, la population mondiale de requins a diminué de 71 % depuis les années 1970 en raison de la surpêche, et selon le Shark Conservation Fund, 36 % des 1 250 espèces de requins et de raies recensées dans le monde sont actuellement menacées d’extinction.

Flash-back

Or, tout commence dans la chaleur de l’été 1974. Alors à peine âgé de 20 ans, Steven Spielberg tourne les premières images de ce qui sera son deuxième long-métrage, et le plus grand succès cinématographique avant de se voir détrôné par Star Wars : un haletant thriller adapté d’un best-seller paru un an plus tôt intitulé Les Dents de la mer (Jaws, littéralement «Mâchoires» en anglais). Portée par l’entêtant - et glaçant - thème musical composé par John Williams, l’action se déploie au bord de la station balnéaire fictive d’Amity Island, où une jeune baigneuse puis un enfant meurent dévorés par un animal aux mâchoires acérées, présenté comme une bête avide de sang humain. Une «machine à dévorer», «Comme si Dieu avait créé le Diable, et l’avait doté de mâchoires» avertit le narrateur dès les premières secondes de la bande-annonce. Dès lors, le chef de la police locale (Roy Scheider) entend interdire l’accès à la mer, mais il se heurte rapidement au refus du maire qui craint que cela n’affecte la venue les touristes à l’aube de la fête nationale. Le chef de la police décide alors de chasser le prédateur, à l’aide d’un biologiste marin (Richard Dreyfuss) et d’un chasseur de requins (Robert Shaw).

Suspense, montée en puissance et arguments pseudo-scientifiques, le public fut rapidement séduit par la finesse du scénario. Pourtant, la peinture que le réalisateur dresse des squales a durablement marqué les esprits, vidant pour un court instant les rivages furtivement désertés par des baigneurs effrayés, avant de mettre durablement en péril la vie de ces bêtes. A ce titre, des plages ont parfois été entourées de barrières, et certaines communautés se mirent à proposer des récompenses et de l’argent à qui ramènerait un cadavre de requin, ce qui conduisit des pêcheurs à les chercher sans relâche : «La pêche aux requins a commencé à faire fureur. Certains journaux estimaient que c’était un nouveau sport», décrit George Burgess, ichtyologiste et biologiste des pêches au Florida Museum of Natural History de l’Université de Floride, au Smithsonian.

Et si le roman de Benchley était inspiré d’une affaire qui avait défrayé la chronique dans le New Jersey en 1916, 25 ans après la parution du film, l’auteur confiait déjà regretter d’avoir écrit ce roman, déplorant la menace de disparition qui pèse sur plusieurs espèces de requins. Selon un rapport publié en 2019 par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 11 espèces de requins et de raies sont menacées d’extinction.