C’est une journée où l’on commence par faire ce dont tout le monde rêve. Se glisser sans bruit dans un cinéma, s’asseoir le plus discrètement possible au fond de la salle dans l’obscurité, et entendre le rire de Marguerite Duras, tandis que des images d’archives de l’écrivaine cinéaste défilent durant quelques instants. On entend sa voix : «On peut couper maintenant», propose-t-elle. Nous sommes au cinéma le Lux, à Caen, à la fin des années 70, où Marguerite Duras était venue répondre aux questions du public après une projection d’India Song. Yann Andréa, le jeune homme qui fut son dernier compagnon durant seize ans, avait déjà vu l’envoûtant long métrage une dizaine de fois, mais il était là, dans l’espoir d’approcher l’écrivaine, qui lui donna son adresse rue Saint-Benoît. C’était leur première rencontre, qui augura d’une correspondance unilatérale du jeune homme pendant plusieurs années, jusqu’à ce qu’il frappe à la porte de sa chambre dans l’ancien hôtel des Roches noires à Trouville.
On se laisserait facilement engourdir dans cette machine à remonter le temps sans effets spéciaux qui nous entraîne dans le cinéma même où s’est déroulée cette projection il y a cinquante ans. Une machine à différer le temps que sont devenus peu ou prou tous les tournages puisque, sauf exception, ils captent tous un moment où le Covid et les masques n’existent pas. Je voudrais vous parler de Duras, que tourne Claire Simon avec Swann Arlaud et Emmanuelle Devos, n’a cepend