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Libération
Critique

«The Gazer» de Ryan J. Sloan : ça gaze pas fort 

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Bizarroïde, alambiqué, saturé de références, le premier long métrage du cinéaste américain fait le portrait d’une jeune mère encline à la paranoïa.
Ariella Mastroianni en Al Pacino volatile androgyne. (UFO)
publié le 22 avril 2025 à 22h18

The Gazer, titre à l’origine, c’est l’Observateur, et en l’espèce l’observatrice. Premier long fabriqué à la force du poignet, avec budget minime, 16 mm urbain et grain indé, c’est coécrit par le réalisateur Ryan J. Sloan et l’actrice Ariella Mastroianni qui campe ladite observatrice, moineau de nuit. Arpentant les zones urbaines et désertes d’un New Jersey vieillot avec ses cabines téléphoniques et le walkman anachronique, le film se veut une méditation autour d’un regard subjectif (du gaze, donc) et assume un côté théorique : une jeune mère dont le compagnon s’est suicidé, livrée à elle-même, à la galère sans sa fille, une nuit est témoin d’un crime. Derrière la fenêtre d’un immeuble qu’elle scrute, tandis qu’elle tarde à servir le client de la station-service où elle est pompiste, une femme inconnue se fait assassiner.

Mais la chétive brune à capuche est atteinte d’une maladie neurodégénérative, la dyschronométrie, qui fausse son rapport au temps présent, et la plonge dans des phases de «zoning out», d’absence hagarde à la conscience, dont elle veut se prémunir en enregistrant sa voix sur radiocassettes qu’elle se passe en boucle, pour rester concentrée, toute à ce qu’elle voit, à ce qu’elle fait. Or doutant de sa propre perception, elle glisse dans une histoire à dormir debout, une enquête tourmentée sur un crime dont elle devient la première suspecte.

Elle se nomme Frankie Rhodes. Rhodes, comme le personnage de Mulholland Drive, dans une