En septembre, le dernier film de Roman Polanski se révélait en sélection officielle à la Mostra de Venise, en l’absence de son auteur. «Vergogna» («Honte»), s’indignaient en toutes lettres les collages féministes placardés dans la ville, le cinéaste de 90 ans plusieurs fois accusé de viols et d’agressions sexuelles étant devenu un emblème de l’impunité des violences faites aux femmes. Etrillé par la presse (dont Libération), The Palace, avec Mickey Rourke, John Cleese et Fanny Ardant au casting, ne semblait pas près de trouver un distributeur français assez téméraire pour le sortir en salles.
C’est pourtant chose faite mardi 26 mars. La société Swashbuckler Films, spécialisée dans le patrimoine, en a acquis les droits et annonce une sortie le 15 mai 2024 – le visa d’exploitation est encore en cours de demande. A noter que cette date coïncide avec le lendemain de l’ouverture du Festival de Cannes 2024 – timing peu prisé pour les sorties de nouveautés dans la mesure où les films cannois (en partie lancés à l’assaut des salles simultanément à leur projection sur la Croisette) sont susceptibles de leur faire de l’ombre.
«Satire grotesque»
«Quand j’ai vu que personne ne voulait du Polanski, j’ai sauté dessus», explique le dirigeant de Swashbuckler, Sébastien Tiveyrat, au Parisien, déplorant une «cabale» contre le cinéaste. Le distributeur admet en avoir obtenu les droits pour un tarif dérisoire, «dix fois moins cher» qu’un film inédit, et sans avoir même encore visionné The Palace à ce jour. Le film est déjà sorti dans plusieurs pays d’Europe comme l’Italie, la Pologne ou la Hongrie, sans que ses résultats en salles ne soient connus.
Cette coproduction italienne, française, polonaise et suisse, tournée à Gstaad, croise les trajectoires de clients et employés d’un palace des Alpes Suisses à la veille de l’an 2000. «Pitoyable bal d’acteurs zombifiés dans une satire grotesque», dixit Libération lors de sa projection à Venise : «Ici et pour cette fois, ce n’est ni l’homme ni l’artiste, mais bien le cinéma qui a perdu la partie.»
Procès en diffamation
La dernière sortie d’un film de Roman Polanski en salles remonte à novembre 2019 : relecture de l’affaire Dreyfus avec Jean Dujardin, distribué par Gaumont, J’accuse était sorti dans la polémique, mais avait fait un carton à l’étranger et enregistré près de 1,6 million d’entrées en France. Des hauteurs que n’avait pas connues le cinéaste depuis le Pianiste en 2002 (1,8 million d’entrées), surpassant The Ghost Writer en 2010 (1 million d’entrées) après une décennie de sous-performances (110 000 entrées pour D’après une histoire vraie en 2017, 260 000 pour la Vénus à la fourrure en 2013, 430 000 pour Carnage en 2011).
Roman Polanski est actuellement visé par un procès en diffamation en France, intenté contre lui par Charlotte Lewis, qui l’accuse de viol et dont il a dénoncé les «mensonges» dans une interview. La décision du procès sera rendue le 14 mai, veille de la sortie annoncée de The Palace dans les salles. Le cinéaste sera aussi jugé au civil à Los Angeles le 4 août 2025 après une plainte pour une agression sexuelle sur mineure qui aurait été commise en 1973.