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Plage

«The Summer With Carmen» fait des rivages

Installé sur une plage grecque, lieu de détente et de drague gay, le long métrage de Zacharias Mavroeidis aux airs de poupées russes méta explore une rupture estivale et la relation entre deux amis de longue date.
Démos et Nikitas. (Epicentre Films)
publié le 19 juin 2024 à 6h11

Le mieux, c’est le lieu. Dans The Summer With Carmen, la plage naturiste de Limanakia, lieu de détente et de drague pédé, pas loin d’Athènes, donne au récit son cadre, point de départ bleu soleil pour les allers-retours de ses flash-back («deux étés plus tôt…»). Ce sont les meilleures scènes du film : où les vieux amis Démos et Nikitas déroulent le fil rouge de leur grande discussion, parmi les autres usagers et usagères de l’endroit, qui bronzent, draguent, baisent entre les rochers et la mer. C’est de s’inscrire dans cette petite communauté d’un après-midi, à la veine sociale-paradisiaque, que la fin et le début du film sont beaux, mais l’Inconnu du lac ayant déjà été fait, The Summer… cherche aussi ailleurs, il plonge avec et sans maillot dans la mise en abyme et la métafiction.

L’été de tous les drames et des introspections

Nikitas doit rendre un projet de film, et Démos (Yorgos Tsiantoulas, hashtag dieu grec) le pousse à raconter le fameux été avec Carmen, épisode autobiographique dont Démos est le soi-disant héros : l’été de sa rupture avec Panos, l’été de tous les drames et des introspections. Les retours en arrière racontent cette histoire, en se jouant des règles d’or du scénario, des impératifs d’écriture, de genre, de budget, par quoi le film parvient à une rhétorique assez plaisante, prend un peu de distance avec ses propres séductions (et ses propres très gros clichés) en énonçant ou dénonçant les contraintes auxquelles il est censé répondre. Car au bout du compte, c’est clair, la vie n’est pas un film bien ficelé, avec évolutions et résolutions.

Corps qui brûlent d’un désir de film

Mais au cœur des poupées russes méta, de quoi ça parle? Justement, c’est un peu l’enjeu. Démos croit que le sujet du film est son histoire avec Panos alors que, Nikitas l’a compris, c’est de l’amitié (la leur, cet été-là comme tous les jours) qu’il s’agit. Et en effet l’affaire Panos prend beaucoup de place, sans qu’on s’y investisse vraiment, alors que l’alliance avec Nikitas soutient tout, donne au film sa structure et ses intensités, sans occuper la place au premier plan qu’elle mérite. C’est là une réflexivité de plus, autre retour du film sur lui-même : il cherche à nous serrer le cœur en nous mettant à la place de l’ami négligé, dans l’ombre – et pâtira un peu de n’en faire qu’un point de vue. Mais il y a Carmen, et la mer, et les corps qui brûlent d’un désir de film (plus que d’autre chose, au fond), alors pourquoi pas, après tout, l’été commence, et il commence là où le cinéma finit.

The Summer With Carmen de Zacharias Mavroeidis avec Yorgos Tsiantoulas, Andreas Lampropoulos… 1h46.