Les nouvelles des antipodes, de la Malaisie comme ici ce premier film, sont quelquefois dépaysantes et familières : le folklore du cru y est redessiné par l’universel de la fable. Ces fictions ressemblent, furieusement et de loin, à nos contes et légendes. On y trouve aussi des plans d’eau douce, de baignades et de jeux, de villages isolés, de familles contraignantes, de forêts, de jeunes filles pour s’y perdre. Ou s’y enfonçant, pour s’y transformer : les «rayures du tigre» qu’évoque dès son titre le film d’Amanda Nell Eu, rappellent assez le sourire du chat de Cheshire d’Alice au pays des merveilles, ce phénomène optique qui reste suspendu en l’air alors que l’animal a disparu. Or comme disait la petite Anglaise : «J’ai souvent vu un chat sans un sourire, mais jamais un sourire sans chat !» On n’a jamais vu de tigre sans rayures, seulement ici on voit une gamine de 12 ans, Zaffan, se couvrir de rayures de sang, la peau lézardée de brûlures, d’éruptions cutanées. Elle a ses premières règles et, sous les quolibets des copines, est prise d’accès de violence de moins en moins réfrénée, fauve, rugissante.
Ce récit à demi-fantastique – mais bien ancré dans l’expérience la plus ordinaire et impure d’un corps soudain nubile – traite intelligemment de thèmes de l’adolescence : l’insolence et la puberté, la révolte et la monstruosité, l’horreur intime du corps qui mute. Pilosité, sang, urtication, tout ce bombardement hormonal des filles,