Menu
Libération
Ressortie

Trilogie de Satyajit Ray : «Apu», y en a encore

Article réservé aux abonnés
Récit d’apprentissage d’un enfant issu d’une famille très pauvre, la flamboyante trilogie du cinéaste indien, filmée dans les années 50, fait l’objet d’une ressortie en version restaurée.
Extrait de «l’Invaincu». (Carlotta Films)
publié le 5 décembre 2023 à 21h38

Tout premier film est une naissance de son auteur au cinéma. Mais rares sont ceux qui y mettent en scène l’aventure d’un regard. On songe par exemple au Chien andalou de Buñuel, l’éclatement au rasoir d’une pupille plein cadre. Dans la Complainte du sentier (1955) de Satyajit Ray, premier volet de la Trilogie d’Apu, qui allait signer l’acte de naissance d’un immense cinéaste et le révéler à l’international, une scène y fait écho. Dans la pénombre, une fillette vient réveiller son petit frère dont le visage est enfoui sous un drap de chanvre. L’enfant restant endormi, elle glisse sa main sous le tissu, dévoile une paupière fermée que ses doigts opiniâtres écarquillent de force, l’obligeant en somme à s’ouvrir et à voir. Comme si, le regard n’allait pas de soi, était le fruit d’une lutte entre le sommeil et la veille, le tumulte de l’invisible que le visible ne dissipe jamais complètement. Le monde enfantin est tout entier cinématographique semble nous dire Ray. Ce qu’il regarde, il le fictionne et le transforme, alchimie immédiate, en jeux, fables et éclats merveilleux. L’enfance telle que décrite dans ce premier film est un monde flottant et métamorphe, une conscience qui s’ignore encore comme telle et s’offre à nous sous le prisme d’un regard rêveur.

Bulles de temps à l’état pur

Adapté d’un classique de la littérature bengalie, Pather Panchali, roman de Bibhutibhushan Bandopadhyay (ou Banerji c’est selon), la Trilogie d’Apu prend ainsi la forme d’un récit d’apprentissa