Derrière chaque (grand) film, un fantôme le précède, un monde dont il faut faire le deuil, pour laisser place à celui qui aspire à naître dans l’obscurité. D’autres spectres le taraudent : le film rêvé, qu’on imagine avant de l’avoir vu, le souvenir des autres œuvres de l’auteur, ou encore la trace infuse d’une histoire à laquelle on est tenté de l’ajuster, quand on croit reconnaître la trame – notamment lorsqu’il s’agit d’une adaptation littéraire. Qu’importe, le cinéma de Manoel de Oliveira (1908-2015) ne craint pas les fantômes. Au contraire, l’œuvre se laisse volontiers contaminer, les mondes se superposent, l’invisible déborde sous le visible, le miroir ondoie à la surface, l’image tressaille, le sens achoppe. C’est ainsi, feuilleté d’ombres et de mystères, que s’offre à nous Val Abraham (1993), son 14e long métrage (et splendeur absolue), auquel l’éditeur Capricci offre un écrin qui rend enfin grâce à ses couleurs diaprées, magnifiées par la photographie délicate de Mário Barroso (fidèle chef opérateur du cinéaste), qui ici interprète aussi le narrateur en voix off.
Coffret
«Val Abraham» de Manoel de Oliveira : Ema, émois, émois
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Leonor Silveira, hiératique et insondable, interprète Ema adulte. (Capricci)
par Nathalie Dray
publié le 21 décembre 2024 à 13h12
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