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Libération
Vite vu

«Vicenta B.», médium ­es-tu lasse ?

Carlos Lechuga suit avec quiétude le chemin d’une voyante cubaine.
(Alejandro Acevedo/Cacha Films)
publié le 11 octobre 2023 à 11h30

C’est un étrange rituel, moitié familier, moitié exotique : des cartes de tarot qu’une main manipule avec sûreté et fermeté, mais aussi un verre d’eau rempli de coquillages, des madones écaillées, des colliers de bois. Une voix qui entame une séance de voyance. Vicenta nous arrive comme ça, d’abord par sa voix et ses mains, dans l’environnement placide d’une grande maison belle et délabrée, comme il en existe seulement à Cuba. A La Havane, la médium vit seule avec son grand fils métis (elle est afro-cubaine, le père d’origine hispanique) qui s’apprête à partir pour l’étranger. Suite à son départ, Vicenta se met à perdre pied et ses pouvoirs de divination. Sur ce genre de sujet, mêlant fantastique et dépression, on se méfie toujours des approches maximalistes, des crescendo dramatiques à grands renforts de visions et de pétages de plomb. Rien de tel dans Vicenta B., qui préservera de bout en bout un calme curieux, lisible autant dans ces plans de paysages – La Havane est filmée comme une suite de creux de nature plutôt que comme un décor urbain – que sur le visage de son actrice principale, l’impavide Linnett Hernández Valdés.

Le mystère du parcours de Vicenta met du temps à décanter, tant celle-ci semble d’abord accepter son sort, celui d’une femme de 45 ans qui se retrouve soudain célibataire et inadaptée à la vie comme elle va. Vicenta traverse les espaces et accueille les signes d’une tempête à venir – trois fois rien, une chaise qui se renverse sous l’effet d’une bourrasque, un fantôme qui apparait sans troubler le quotidien de la maison. Un jour cependant, une jeune fille frappe à sa porte, en proie à une crise de désespoir. Incapable de l’aider, Vicenta, qui ne sait plus lire l’avenir depuis que son fils lui manque, la laisse filer. On apprendra quelques jours plus tard qu’elle est dans le coma suite à une tentative d’immolation. Vicenta entame alors un parcours d’introspection qui la mène du foyer de la jeune fille, où elle aide le grand-père, faux paralysé qui s’anime malicieusement la nuit, à une visite chez sa vieille tante, chacune des étapes la menant à se rapprocher d’une communauté de femmes qui la comprennent. Avec son attention précise à chaque geste de soin, le film affirme la croyance qu’il suffit de regarder longtemps pour que la magie opère.

Vicenta B. de Carlos Lechuga, avec Linnett Hernandez Valdes, Mireya Chapman, Aimée Despagne, 1h45.