Serait-ce possible, pour qui désire filmer la vie qui passe, de réaliser ce rêve de cinéaste : un film dont le sujet serait la nostalgie, mais qui serait lui-même sans nostalgie aucune ? Walden de Bojena Horackova est ce rêve. Semblant d’abord coller à la peau de son personnage, joué par deux actrices, Ina Marija Bartaite et Fabienne Babe, d’âges différents, donc à s’identifier absolument avec la Jana de l’histoire, le film s’avère établir avec elle(s), avec leurs quêtes respectives, tout un jeu de subtiles distances – le récit qui se déroule à l’écran semblant valoir à son tour comme une troisième version de Jana. Il y a une narratrice dans Walden, muette, invisible, qui n’est aucune des deux comédiennes, et qui n’est pas forcément l’auteure : il ne peut s’agir que de la mise en scène, comme on disait autrefois.
Une discrète dialectique des temps
Que nous raconte-t-elle, sans nostalgie ? Que la Jana de notre époque (Fabienne Babe), exilée depuis trente ans en France, rentre sur les traces de sa jeunesse et de son premier amour, vécu à Vilnius en 1989. Que, parallèlement à ce retour – non comme un flash-back, mais plutôt comme sur un autre plan du temps – la Jana de 1989 vit son amour avec Paulius, sur fond de changements historiques imminents et de projets de départ pour l’Ouest. Walden, le film qui les réunit, les fait se croiser ou se louper, ou se retrouver sans se voir