Le nouveau film des studios Disney, Wish, accroche l’œil. Une affaire de direction artistique affichant haut et fort un mélange de personnages en trois dimensions et de décors en deux dimensions singeant l’aquarelle (jusqu’à figurer le grain d’un papier probablement numérique). Un mix pas si original, dans la mesure où il peut – en théorie – évoquer les démarches de Michel Ocelot ou d’un Spiderman : New Generation. Sauf que dans le film de Fawn Veerasunthorn et Chris Buck le mélange n’aboutit jamais à une image cohérente. De bout en bout, ses plans semblent déchirés, les personnages en volume paraissant trop brutalement plaqués sur l’aplat des décors pour parvenir à les habiter vraiment. Plutôt que de créer de l’étrange (de l’original, comme chez Ocelot), le cocktail n’aboutit qu’à de l’étrangeté, à un assemblage de couches disjointes, hétérogènes. La faute peut-être à un compositing mal fichu, puisque tout ce travail de post-production consiste précisément à unifier les différentes strates d’une image animée par des effets d’éclairage ou de matière. La faute peut-être aussi à l’indigence de certains décors, notamment de foule, où les personnages en second et troisième plans sont si peu soignés ou animés (ils restent parfois parfaitement fixes) qu’ils semblent volontairement laissés dans un brouillard cache-misère. Incompréhensible pour un long à 200 millions de dollars.
Mascotte de station-service
Si Wish accroche l’œil, c’est à la façon d’un emboutissage. L’image se met en travers de ce que tente de raconter le film. Une histoire presque séduisante par son côté séditieux. Après quelques minutes de pure naïveté, le film confronte la jeune Asha à la réalité politique de Rosas, utopie médiévale sur laquelle règne le magicien Magnifico, vieux beau à tronche de présentateur télé. En vérité un tyran qui a convaincu ses citoyens de troquer leurs rêves (symbolisés par des bouboules renfermant le souhait le plus cher de chacun) contre le confort et la sécurité. Cette prise de conscience, doublée d’un éveil à la magie, installe Asha à la tête d’une rébellion portée par ses copains, une chèvre à voix de Gérard Darmon, et une étoile nommée Star (ça a dû turbiner sévère), improbable croisement entre un Pokémon, une mascotte de station-service et Clippy le trombone qui guidait les utilisateurs de Windows 95.
Succédané de Raiponce
On aurait envie de se laisser séduire par cette nouvelle princesse qui chante la tristesse des renoncements («grandir, c’est faire des concessions») ou appelle à renverser le pouvoir («pas mon roi !» façon «not my president»), si elle parvenait à se forger un semblant d’identité. Sauf que tout dans sa gestuelle, son design ou sa voix la condamne à n’être qu’un succédané de Raiponce. Fade et triste. Comme ses compagnons, l’un ressemblant à Kristoff (le type aux rênes de la Reine des neiges), l’autre à Linguini (le petit chef de Ratatouille) mais en dépressif. Le film entier évoque une créature de Frankenstein rafistolée à partir de chutes d’autres créations maison. Peut-être n’a-t-on pas compris qu’il s’agit là d’un hommage pour la fiesta des 100 ans ? On peine à y croire, tant les «clins d’œil» s’étalent déjà abondamment, de Petit Jean qui échange avec Bambi, à un Peter Pan bodybuildé. Rarement un Disney aura aussi bien porté son nom : dans les cours d’école, l’expression «de chez ouich» sert à désigner un produit de mauvaise qualité.
Wish, Asha et la bonne étoile de Fawn Veerasunthorn et Chris Buck, 1 h 35.