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Confinement: enfermés pour inventaire

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Messages en vitrines, banderoles aux balcons, objets du quotidien, traces numériques... Alors que chacun se cloîtrait il y a un an, une poignée de tentatives de recension et d’archivage émergeaient à Paris, Rome ou Marseille, afin de documenter en temps réel le vacillement du monde.
Images issues de la collecte «Vitrines en confinement». (CNRS. Université Paris Nanterre)
publié le 18 mars 2021 à 20h19

Avril 2020. Pendant que d’autres romanciers et romancières déroulaient leur tapis de yoga sur les tommettes de leur maison de campagne, Thomas Clerc sillonnait consciencieusement les rues vidées de Paris. Habillée de banderoles variées et de vitrines détournées, la capitale était soudain devenue, comme bien des villes du monde entier, la pourvoyeuse inespérée d’une matière littéraire de premier choix. Une petite mine d’or même, si l’on est comme lui un maniaco-pérecien obsédé par toute espèce de tri, de recensement, de rubricage et de typologies. Sans surprise alors, celui qui écrivit prémonitoirement en 2013 le prototype du roman de confinement, Intérieur – sorte de tentative d’épuisement d’un appartement parisien en forme de précis de sémiologie – offrit sans tarder à Libé son palmarès de draps suspendus. On lisait donc le 2 mai (Thomas Clerc est chez nous chroniqueur régulier) : «Au 3, square Clignancourt, “Restons chez nous” est moins menaçant que “Restez chez vous” au 6, mais plus déprimant. […] Au 4, rue Boinod, “Du fric pour l’hôpital public” ; la même au 47, rue Ordener. Au 68, rue Lepic, “Plus de fric pour l’hôpital public” accentue la rime. Il y a encore des gens de gauche à Montmartre, je ne l’aurais pas cru.» Mais alors que le romancier remettait son «drap d’or» au 74, boulevard Barbès, sans doute ignorait-il qu’une patrouille mobile