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Festival d'Avignon

«Dämon» d’Angélica Liddell à la cour des Papes : émérites funéraires

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Avec une extrême sincérité, la performeuse espagnole transforme l’immensité terrifiante du palais des Papes en lieu intime, malgré un intermède des plus embarrassants pendant lequel elle s’attaque nommément à certains critiques.
La performeuse espagnole Angélica Liddell dans «Dämon». (Alexandre Quentin)
publié le 30 juin 2024 à 19h39

C’est fou combien elle occupe entièrement l’espace ! C’est fou comme un corps, pourtant seul sur scène durant une grande partie de la représentation, peut habiter le moindre recoin de l’immense cour d’honneur du palais des Papes, réputée imprenable, défi lancé aux plus grands metteurs en scène et rarement soutenu. C’est hallucinant comme Angélica Liddell, artiste espagnole habituée des spectacles extrêmes, est à son aise, parfaitement chez elle dans ce gigantisme, cheveux lâchés, nue, épilée, avec tout juste des chaussures vernies noires et des socquettes blanches, et une légère cotonnade blanche également longue et ouverte, genre de déshabillé comme on en voit sur certaines photos de la fin du XIXe siècle – on apprendra ensuite que ces costumes victoriens font partie du vestiaire de certaines mises en scène d’Ingmar Bergman, dont le fantôme artistique fait bien plus que hanter le bien nommé Dämon, en reconstituant en partie la cérémonie qu’il avait réglée pour ses funérailles sur l’île de Farö, à l’été 2007.

Au bord du gouffre

Le plateau est rouge sang. Vide de tout décorum. Si l’on excepte, adossés aux vieilles pierres, à l’impressionnante verticalité de la muraille du palais, un bidet, un urinoir, de pauvres W.-C., un gros broc en émail blanc, on se croirait presque chez Warli