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Libération
Nouveau romantisme

Dans le off du Festival d’Avignon, juste deux ou trois maux d’amour

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Dans un seul en scène sensible et revigorant, Nicolas Barry subvertit l’exercice surfait de la déclaration d’amour, en la déplaçant dans un référentiel queer.

Nicolas Barry, l’auteur, metteur en scène et interprète de La Déclaration d'amour de Louis Hee à John Ah-Oui. (Guillaume Beleveze)
Publié le 07/07/2025 à 18h06

C’est un carré noir au milieu des platanes, sur lequel sont fichés un bidon en plastique étiqueté «J’ai beaucoup pleuré», et un jeune homme vêtu d’une chemise blanche qu’il n’arrête pas de tripoter, comme si elle collait trop à son corps. Il a perdu ses notes, mais il se lance - «allez, go . Louis Hee est là pour déclarer sa flamme à John Ah-Oui, point à la ligne, et poing à la taille, un poing qu’il ne cesse d’attraper et de détendre de son autre main, comme s’il ne lui appartenait pas vraiment. De fait, Louis, tout emporté dans les tourments de l’amour fou, ne s’appartient plus, tout bouleversé par cette grande affaire chantée de tout temps et en tout lieu. Quarante-cinq minutes durant, l’auteur, metteur en scène et interprète Nicolas Barry s’essaie avec vigueur et grande intelligence à renouveler la déclaration d’amour, la sortir de la gangue des métaphores usées, pour l’appliquer à lui, un homme homosexuel qui a grandi dans les images et les mots de l’hétérosexualité.

On reconnaît les grands motifs de la passion amoureuse, alors que notre héros raconte comment il circule dans une erratique carte du tendre, en déraillant parfois, se reprenant, se répétant : le coup de foudre qui rend tout obsolète, la frayeur d’oublier le nom de l’aimé, l’envie de mourir à genoux, le désir à se fiche par terre dans la rue, tout cela dans une langue qui n’a pas abandonné l’emphase des grandes tirades, avec anaphores, hyperboles, et tous ces trucs des opéras, des drame