La première scène est poignante. On est en Algérie, à Constantine, rue Grand, dans l’appartement qu’occupent les parents Stora avec leurs enfants, Benjamin et Annie. Une après-midi tiède d’avril 1962, quelques semaines après la signature des accords d’Evian qui ont mis fin à la guerre d’Algérie. Deux militants du FLN sont venus boire le café. Elie Stora les bombarde de questions tandis que Benjamin, 11 ans, tâche de se rendre invisible dans un coin du salon. Les Juifs vont-ils garder une citoyenneté égalitaire ? Quelle serait la place de la communauté juive dans cet Etat indépendant musulman ? Les deux hommes ont l’air gêné, ils répondent à côté tandis que le couple se tend de plus en plus. A court d’arguments, ils finissent par concéder que le FLN n’a pas encore tranché l’avenir des Juifs d’Algérie. A peine les deux visiteurs partis, Elie Stora se tourne vers sa femme et assène : «C’est décidé, on part. Nous ne serons pas en sécurité. Il s’est passé trop de choses ici. On ne peut pas vivre dans cette incertitude.» L’enfance de Benjamin Stora prend fin ce jour-là.
C’est la débrouille qui prime
C’est ce que l’historien relate dans un livre émouvant qui raconte davantage l’arrivée de la famille en banlieue parisienne que son départ d’Algérie mais cette première scène est si forte qu’elle écrase tout le reste. Et même l’installation à Montreuil, en plein hiver,