Sur les murs de l’expo les signes cavalent – lettres, lignes, dessins, gribouillis, traces – et c’est un éblouissement. Livre des morts égyptien, manuscrits centenaires, enluminures médiévales mais aussi griffonnements, lettres et mémos, tous ont ici le statut d’œuvre d’art, dont les courbes et déliés s’admirent sur les cimaises tels ailleurs dessins et peintures. Pour autant, est-ce bien la même chose ? Les neurosciences nous ont appris que le cerveau humain ne regarde pas de la même manière, qu’il lise ou qu’il contemple une image. Pourrait-il y avoir de l’écriture sans lecture ? L’expo répond que parfois, oui, n’hésitant pas à aligner des signes indéchiffrables, dont on remarque alors la séquence, la géométrie. Ainsi cette émouvante tablette sumérienne, arrivée de Basse Mésopotamie dans les années 1700 avant J.-C., morceau de pierre perforée par de petites stries répétitives, dont il faut l’aide d’un cartel pour apprendre qu’il y est inscrit «Puisses-tu atteindre les sommets de l’art du scribe… de tes frères tu seras le guide, de tes amis, le chef…»
Pattes de mouches indéchiffrables
Quelques milliers d’années plus tard, tout près de nous, des artistes telles Irma Blank ou Mirtha Dermisache ont réalisé des partitions abstraites qui questionnent l’essence même de l’écriture – la première avec des blocs ayant l’air de minuscules textes manuscrits, dont ils reproduisent l’allure en rangs serrés, la seconde avec des feuilles qui de loin semblent tapissées d’inscriptions raturées ou de notes, et de près o