Les relations parfois tendues entre la France, pourtant «fille aînée de l’Eglise» et la papauté ne datent pas d’hier – quel que soit le régime en place : royauté, empire ou république. Avec le plus souvent à l’origine des tensions avec le Saint-Siège, la question de la primauté du pouvoir spirituel sur le temporel. Au point que les docteurs de la foi ont souvent prôné la supériorité des livres saints sur la loi séculière. Une notion qui, aujourd’hui encore, prévaut dans l’esprit de certains prélats.
En novembre 1302, le pape Boniface VIII, dans une bulle intitulée Unam Sanctam, affirmait la suprématie de l’Eglise sur l’Etat et donc l’obligation pour chaque personne de se soumettre à l’autorité du souverain pontife. Même un roi. Rédigé lors d’un concile d’évêques français réunis à Rome, ce texte se voulait surtout un rappel à l’ordre pour Philippe le Bel, tenté de s’émanciper de la tutelle de Rome. Mais loin de ramener dans le rang ce petit-fils de Saint Louis, cette bulle contribua à exacerber son irritation. Au point qu’il envoya un commando s’emparer de Boniface VIII en Italie, à Anagni en 1303. Son but était de le ramener en France et de le faire juger par un nouveau concile pour avoir contesté l’autorité du roi et voulu se placer au-dessus de lui. Et de fait, quelques années plus tard, les papes éliront domicile à Avignon, sous la tutelle française.
Chronologie
Bien plus tard, en 1801, un autre pape, Pie VII, sera prisonnier d’un souverain français, l’empereur Napoléon. Le saint-père accepte de ratifier le concordat le 15 août 1801, jour de la fête de la Vierge Marie. Mais les articles de ce texte aboutissent à faire de l’Eglise de France une Eglise nationale, indépendante de la volonté pontificale et soumise au pouvoir civil. En 1802, un article dispose que «les papes ne peuvent déposer les souverains ni délier leurs sujets de leur obligation de fidélité, que les décisions des conciles œcuméniques priment sur les décisions pontificales, que le pape doit respecter les pratiques nationales, qu’il ne dispose enfin d’aucune infaillibilité». L’Etat prend sa revanche sur les volontés hégémoniques de l’Eglise. Le refus du pape de se joindre aux Etats continentaux dans le blocus imposé au Royaume-Uni va amener l’empereur à encore hausser le ton contre l’héritier du trône de saint Pierre. «Votre Sainteté est souveraine de Rome, mais j’en suis l’Empereur ; tous mes ennemis doivent être les Siens», écrit-il au pape le 13 février 1806. Le souverain pontife opte pour la neutralité. La réplique de Napoléon se fait sans délai. Rome est occupée militairement le 2 février 1808, les Etats pontificaux annexés à l’Empire en 1809. Cette même année, Pie VII est enlevé par le général Radet et détenu à Savone (à l’ouest de Gênes) pendant trois ans, puis à Fontainebleau (Seine-et-Marne) de 1812 à 1814.
Sous la République, les lois de séparation des Eglises et de l’Etat seront pour ce dernier un nouveau moyen d’affirmer sa suprématie sur le pouvoir spirituel en rendant «à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui est à Dieu».
Ce bras de fer continuel, avec des périodes d’apaisement, entre l’Etat et l’Eglise, ne s’est pas totalement dissipé. Il a même rejailli sur le devant de la scène après la publication du rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l’Eglise. Le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, déclarait, à propos des prêtres ayant reconnu leur crime, que «le secret de la confession est plus fort que les lois de la République». Une phrase qui lui a valu d’être convoqué illico place Beauvau, au ministère de l’Intérieur, pour un rappel à la loi.