Des coups de klaxon, des coucous aux fenêtres, des sourires curieux au restoroute… Mohamed El Khatib nous avait prévenue : ces bagnoles, c’est des «makrouds de Proust», d’extraordinaires objets transitionnels, des moteurs à histoires transgénérationnelles. Tout le monde manifeste un élan de tendresse à la vue d’une Renault 12 TS vintage, édition 1976. Y compris les flics : «D’habitude ils me demandent mes papiers, mais avec cette voiture, ils me laissent même entrer dans Paris alors qu’ils voient bien qu’elle n’est pas aux normes.» Depuis le départ à 8 heures du matin de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), c’est en effet l’impression d’être François dans la papamobile. Une papamobile un peu vannée, certes : l’aiguille au compteur désigne péniblement, comme le ferait le doigt d’une personne très âgée, 120 km /heure – impression d’être à 190.
Chaque fois qu’il sort du garage la voiture de son père, acquise en 1977, l’auteur, metteur en scène, réalisateur Mohamed El Khatib récolte des foules d’anecdotes, toujours la même phrase – «increvable, ces moteurs-là» – et des milliers de souvenirs familiaux : han, c’est la voiture de papy sur les photos ! C’est la voiture de mes vacances d’enfant au camping de Sète ! C’est surtout le personnage emblématique d’un pan entier d’histoire culturelle transméditerranéenne, les fameuses «vacances au bled», transhumance estivale vers le pays d’origine sur laquelle on trouve encore peu de choses :