21 h 45, les portables sont allumés, les conversations enflammées. Dans quinze minutes, la pièce commencera, Hécube verra mourir son fils Polydor, et pour l’heure, c’est «la France [qui] se meurt». «C’est pas comme si on n’avait rien dit !» «Passe-moi ton tel, c’est qui à la télé ? C’est un RN ça se voit.» «Et l’autre, l’aboyeuse de LFI ! Je peux pas me la saquer !» Les regards sont rivés sur internet, et pourtant que la Carrière de Boulbon est belle. Il fait doux, lumière dorée pour une soirée de théâtre en plein air au Festival d’Avignon. «Oui mais moi je suffoque», entend-on derrière nous. Les trompettes du festival résonnent. «Enfin une musique agréable», dit l’une, la soixantaine. «Passons aux choses sérieuses», ajoute son compagnon.
Sérieuse, la pièce Hécube, pas Hécube l’est assurément : sept acteurs et actrices, vêtus de noir en mode premier jour de répétition autour d’une table. L’image est austère, un peu perdue au centre de la Carrière Boulbon, qui jouera son rôle d’écrin minéral grandiose dans la tragédie d’Euripide (pas Euripide) à venir. Au centre donc, sept Formule 1 de la Comédie-Française sous la direction de Tiago Rodrigues, directeur du festival,