Deux violons posés au sol, un long banc noir, quatre femmes en short et maillot colorés qui vont et viennent, posent des feuilles au sol, cachent une gourde d’eau sous le banc. Elles installent doucement les conditions de leur performance, ça gigote un peu dans le public. La violoniste les rejoint, et une vieille femme en manteau de laine berbère s’assoit un peu à l’écart. Laaroussa Quartet commence tout menu, glaise informe et modeste, et se développe et s’épanouit dans une beauté inattendue sous les mains de ces femmes.
Les mains : pendant une heure elles vont rejouer dans le vide les gestes des potières tunisiennes de Sejnane, modeler l’air comme ces femmes amazighes façonnent la terre pour faire naître des poupées qu’elles vendent sur le bord des routes, les laaroussa. Les feuilles posées au sol, ce sont les partitions de leur quatuor, une mécanique qu’elles suivent de manière de plus en plus virtuose. Enveloppements, saccades, caresses, fouettés : gestes répétitifs, minimalistes, fragmentaires et pourtant fluides, d’une musicalité qu’appuie le violon qui frotte et chuinte (Aisha Orazbayeva) et que ponctue parfois un chant (Chedlia Saïdani).
Une technique transmise de mères en filles
Derrière les quatre performeuses, sur l’écran qui ferme tout l’espace du fond de la scène, les champs de blé vert des plateaux du nord de la Tunisie s’agitent, la caméra patauge dans l’eau, amuse de sa présence les potières de Sejnane, approche leurs mains terreuses, capte leur geste et le bruit gluant de l’argile qu’elle