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Théâtre

Festival d’Avignon : Tiago Rodrigues reconduit à la direction jusqu’en 2030

Jusqu’alors incertaine, la reconduction du dramaturge, auteur et comédien portugais de 48 ans a finalement été actée mardi 30 septembre. A la tête de l’événement depuis l’automne 2022, il entend «préserver la liberté de création des artistes».

Tiago Rodrigues à Paris, le 17 septembre 2022. (Iorgis Matyassy/Libération)
ParSonya Faure
Cheffe de service adjointe - Culture
Publié le 01/10/2025 à 9h25, mis à jour le 01/10/2025 à 12h34

En juillet, lors de la dernière édition du Festival d’Avignon, on le disait mal barré. La ministre de la Culture ne semblait pas le soutenir particulièrement, elle qui ne vint dans aucun des grands lieux du festival contrairement à ses prédécesseures (mais peut-être est-ce finalement le théâtre que Rachida Dati ne porte pas dans son cœur). Les inquiétudes étaient vaines : Tiago Rodrigues est reconduit pour un mandat de quatre ans - il entame cette rentrée la dernière année de son premier mandat et sera donc à la tête d’Avignon jusqu’en 2030.

Un deuxième mandat qui lui laissera le temps de construire à nouveau des programmations mêlant les découvertes (le jeune metteur en scène albanais Mario Banushi cette année) et le patrimoine (les spectacles de François Tanguy, décédé en 2022 et pourtant montrés en juillet), valorisant le spectacle vivant dans tout ce qu’il a de clivant : l’an passé, le spectacle Dämon, dans lequel Angélica Liddell insultait les critiques qui n’avaient pas goûté ses précédents spectacles avait fait quelques vagues et cet été Derniers feux de Nemo Flouret était sifflé tout autant qu’ovationné – et adoré par Libé. Quatre ans de plus aussi qui permettront peut-être à Tiago Rodrigues de trouver LA pièce ou la révélation qui marquera sa direction et bousculera les regards.

Succession de départs

Premier artiste étranger à la tête du festival de théâtre le plus fameux au monde, le comédien et metteur en scène, qui a dirigé le théâtre national Dona Maria II de Lisbonne, l’équivalent au Portugal de la Comédie-Française (2015-2021), promet dans un communiqué de presse de «préserver la liberté de création des artistes en renforçant le rayonnement international du Festival (production, diffusion, partenariats).» Il souhaite également «poursuivre les actions engagées sur l’accessibilité et la diversification des publics» ou encore «approfondir le travail de proximité mené toute l’année sur le territoire.» L’an prochain, la langue invitée au festival sera le coréen.

L’année écoulée n’a pas été de tout repos pour le directeur du festival d’Avignon. Succession de départs d’abord : celui du numéro 2 du festival, Pierre Gendronneau, qui a quitté ses fonctions le 13 juin «pour des raisons personnelles» et visé par des accusations de harcèlement sexuel lorsqu’il travaillait au Festival d’automne. Le parquet de Paris avait déclaré fin mai avoir ouvert une enquête. Départ aussi d’une autre figure du festival, le directeur technique Michael Petit, pour «raison personnelle» lui aussi.

Attaques de l’extrême droite

Tiago Rodrigues a dû également subir les attaques de l’extrême droite cet été, alors que la 79e édition du festival avait fait de la langue arabe son invitée et que le festival a officiellement soutenu une manifestation de soutien à Gaza. Il l’avait évoqué lors d’une conférence de presse en fin de festival : «Non seulement nous avons reçu des insultes mais aussi des menaces. Nous traiterons cet aspect après le festival, avec tranquillité et sérieux.» Et aussi : «Ce qui a peut-être dérangé c’est qu’un festival comme le nôtre soit capable d’inviter l’ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco, Elias Sanbar, comme la sociologue franco-israélienne Eva Illouz. Ce qui est peut-être troublant c’est que nous puissions travailler aussi bien avec la Licra qu’avec Amnesty International.»

Pour plaider sa cause et sa reconduction à la tête du festival, Tiago Rodrigues a également su exploiter les excellents chiffres de sa 79e édition : un taux de fréquentation exceptionnel «supérieur à 98 %». Il était de 91 % l’an passé. «Le public a été au rendez-vous d’une programmation éclectique, expliquait-il lors de sa conférence de presse le 21 juillet. Dans une société de plus en plus polarisée, le Festival a montré que la beauté peut être le point de départ du débat, que le dissensus est fertile, que le désaccord sur un spectacle ou sur ce qui fait la beauté n’empêche pas de rencontrer l’autre, au contraire : le désaccord est le début d’une discussion.» Chouette, encore cinq ans de désaccords devant nous.

Mis à jour à 12h34 avec plus d’informations.