Acoquiner les œuvres de Giacometti et de Dalí pouvait paraître un poil tiré par les cheveux, tant le maître exubérant et narcissique semble à mille lieues de son discret consort, attelé solitaire à son atelier. Sans compter qu’il y a un monde entre les sculptures effilées et solennelles de ce dernier et les peintures aux silhouettes flasques et dégoulinantes de celui-là. Pourtant les deux artistes – atteste cette expo à l’Institut Giacometti à Paris – ont beaucoup à voir et se sont beaucoup vus, au moins pendant les années 30, dans le cercle surréaliste. Au point qu’ils ont mené de concert un Projet pour une place, qui consistait en un environnement sculptural au relief bosselé planté de formes à la géométrie divagante et languissante.
«Objets mobiles et muets»
Destiné au jardin de la villa Noailles à Hyères, fief moderniste du couple d’aristocrates et de mécènes éponyme, qui y invita toute l’avant-garde artistique de l’entre-deux-guerres, le projet est finalement resté dans les limbes des dessins préparatoires, des esquisses ténues jetées à l’encre sur des pages jaunies arrachées à des carnets griffonnés d’annotations et à l’état de maquette, qui suffit à se figurer l’œuvre et l’ambition dont les deux artistes la chargeaient. A commencer par celle d’en faire un voluptueux praticable, «un parc d’attractions, selon les mots de Dalí, basé sur la réalisation de désirs – désirs de marcher, monter s’asseoir, rentrer dans les trous».
A lire aussi
Le public aurait eu toute licence de palper le cône, l