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«Golda Maria», on voit ses paroles

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Auschwitz, 80 ans aprèsdossier
Patrick Sobelman a fait des images de sa grand-mère tournées en 1994 un précieux documentaire dans lequel elle retrace avec pudeur et vivacité sa vie de femme juive et sa déportation.
Golda Maria Tondovoska avec son mari et sa fille. (EX NIHILO. GOGOGO FILMS)
publié le 8 février 2022 à 22h06

«Moi je suis heureuse parce que je suis une femme heureuse.» Ainsi parle Golda Maria Tondovska, le dos bien droit, tailleur bleu élégant assorti à ses yeux, blouse en soie pervenche. Elle s’adresse à son petit-fils, le producteur Patrick Sobelman, qui la filme dans son salon avec une caméra amateur durant trois jours en 1994 (Sobelman décidera, avec l’aide de son fils Hugo, d’en faire un film des années plus tard). Le français est accentué Mitteleuropa, l’image est un peu pourrie, et pourtant l’on reste suspendue à ses paroles, son histoire, pendant près de deux heures. Ce que Golda Maria raconte est à la fois déjà généralement connu – le destin d’une femme née juive en Pologne en 1910 – et évidemment singulier, précieux, incarné ici par la force de la voix qui raconte, par la précision de certaines scènes remémorées et par l’intimité de la relation qui la lie avec celui qui la filme. Des plans fixes, quelques coupes (il y avait dix heures de rushes) et quelques photos de famille, entrecoupés de films d’archives venant appuyer le récit d’exil puis de déportation, forment la matière de ce document, dont l’impact n’est pas sans rappeler celui des Disparus de Daniel Mendelsohn, dans une forme certes bien plus modeste – celui d’être parvenu à «arracher les individus aux généralités».

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Golda Maria (le second prénom lui fut donné à l’école) est