L’Allemagne de 1933 à 1938, soit cinq années de scènes de la vie quotidienne sous le régime nazi qui vient de s’installer, et déjà un sentiment de «grand-peur», doublé d’une «misère» notamment économique – l’argent sous ce IIIe Reich est confisqué pour alimenter l’armée en vue d’une guerre programmée. C’est le cadre de la pièce en 24 tableaux de Bertolt Brecht ; Julie Duclos en a retenu 13, qu’elle fait défiler dans une scénographie épurée, immense façade de verrière, cloisons qu’on déplace, pour contraindre ou démesurer les lieux selon les situations, avec le souci manifeste de perdre ses personnages dans des espaces qui les dépassent. C’est juste, bien vu, mais au risque de verser dans l’académisme de cette esthétique de l’épure, véritable cache-misère sans grand-peur d’un théâtre bien comme il faut, sous les lumières savantes de Dominique Bruguière.
Rien ne dépasse ici pour mieux donner, on s’en doute, toute leur place aux interprètes. Encore faut-il qu’ils la prennent. Pas facile avec une direction d’acteurs qui joue la carte du naturalisme psychologique avec l’ambition louable d’incarner émotionnellement chaque personnage. Car sur le plateau balisé de quelques tables et fauteuils, c’est toute une société qui se met littéralement en scène dans un régime de paroles paranoïaque. Scène «le Mouchard» : un enfant pourrait bien dénoncer ses parents au discours à peine critique. Scène «Politique de l’emploi» : jusqu’où se taire pour survivre dans un système qui vous donne