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Grève à la BNF Richelieu: le manque de personnel «fait passer l’égalité des services pour tous à la trappe»

Après douze ans de travaux, le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France rouvre avec une grève. Opposés à leur direction, les syndicats CGT, SUD et FSU, soutenus par l’Association des lecteurs et usagers, réclament davantage d’effectifs et de moyens pour aider les agents à remplir leurs missions.
Le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France, appelé «Quadrilatère Richelieu», est situé dans le IIe arrondissement, en plein cœur de Paris. (Elie Ludwig/BnF Richelieu)
par Charline Guerton-Delieuvin
publié le 20 septembre 2022 à 16h05

«Précarité à la BnF, ras-le-bol.» Le ton est donné. Ce mardi, dans le hall du Quadrilatère Richelieu de la Bibliothèque nationale de France, rue Vivienne, une quarantaine de grévistes, banderole dans une main, pancarte dans l’autre, se sont mobilisés pour protester contre le manque de personnel et les horaires d’ouverture restreints dans les salles de recherche depuis le mois de mai. En ce jour de grande réouverture, après douze ans de travaux, l’intersyndicale CGT-SUD-FSU, soutenue par l’Association des lecteurs et usagers de la BnF (ALUBNF), réaffirme ainsi son opposition à la politique menée par la direction depuis mai 2022. Un recours a été déposé au tribunal administratif le 1er septembre pour annuler les mesures prises au printemps sur la consultation. «Depuis le printemps dernier, on est à 2 000 jours de grève et nos revendications ne sont toujours pas entendues», affirme Gaël Mesnage, magasinier et délégué CGT.

«Les magasiniers ne peuvent pas être partout»

Motif de la colère : l’ensemble des métiers à la BnF sont en sous-effectif. La CGT évalue à 300 le nombre de postes perdus la dernière décennie. Une des catégories les plus touchées est celle des magasiniers. «Il y a huit magasiniers dans la salle Ovale, dont cinq sont en CDD, qui arriveront fin septembre», regrette Nathalie Sage Pranchère, présidente de l’ALUBNF. «C’est ça, la face cachée de cette salle prestigieuse», ajoute-t-elle. Les 20 contrats à durée déterminée renouvelables une fois, obtenus après le mouvement lancé en mai dernier, sont fortement critiqués par les syndicats à l’unisson. Ils déplorent «les missions de conservation amputées» et la précarité de ces emplois majoritairement occupés par des étudiants – «une catégorie sociale qui souffre déjà et qui ne pourra pas espérer sa titularisation», selon Jean-François Besançon, délégué FSU. La direction, contactée par Libération, affirme que ces 20 emplois «sont volontairement réservés à des étudiants pour assurer l’efficacité du plan de déprécarisation dans la durée et ne pas reconstituer indéfiniment un vivier d’agents installés durablement dans une activité à temps incomplet à faibles revenus».

Ce défaut de personnel n’est pas sans conséquences pour les lecteurs et les chercheurs. Le site Richelieu, comme le site François Mitterrand, ferme le lundi matin car «le taux de fréquentation n’est pas jugé assez élevé et donc l’égalité des services pour tous passe à la trappe», estime une bibliothécaire manifestante. Les communications directes ont également été restreintes. «Les réservations se font à 12 heures et non plus le matin car, tout simplement, les magasiniers, en plus de devoir être de plus en plus polyvalents, ne peuvent pas être partout à la fois», explique Gaël Mesnage. Ils viennent en plus de récolter une nouvelle mission : préparer les collections du site d’Amiens, mais «sans matériel car il nous manque feutres, caisses, pochettes», déplore Pedro Martins, délégué SUD Culture.

«Opération de prestige»

Laurence Engel, présidente de la BNF depuis 2016, justifiait ainsi la semaine dernière : «Je comprends leur inquiétude mais nous avons pensé en amont ces changements. Ce n’est pas la révolution d’un coup.» Un sentiment non partagé par l’ALUBNF, selon qui les coupes budgétaires ont été «dissimulées derrière cette opération de prestige à Richelieu. Ils déshabillent Paul pour habiller Jacques». La direction regrette la grève en précisant qu’«un dialogue de longue haleine» a été «engagé sur le projet Richelieu depuis l’été 2021 au sein des instances de l’établissement et de nombreux votes en comité technique (...) ont permis de prendre en compte de nombreuses demandes (réduction du nombre de jours fériés ouverts et augmentation des primes dominicales)». Jean-François Besançon, lui, craint un surmenage chez ses collègues. «Ce matin, à Tolbiac, il y avait un magasinier, seul qui se demandait ce qu’il allait devenir.»