Elle patiente, le dos droit, assise sur un canapé, face à la grande fenêtre transpercée des premiers vrais rayons de soleil de l’année. Il fait enfin chaud. Dans cette atmosphère de fin d’hiver, Jessica Pratt paraît presque transparente. L’extrême blancheur de sa peau, ses cheveux d’un blond saisissant, diaphanes, son visage sec, la finesse de sa main qu’on craint d’écraser en la saluant lui confèrent une fragilité douce, comme si elle était faite de verre. Pour autant, difficile de voir à travers elle. La chanteuse américaine, dont le quatrième album, Here in the Pitch, vient de paraître, cultive le secret, non pas par posture ou stratégie, mais parce que son histoire et sa vie sont parsemées de douleurs qu’elle dévoile à peine, pas encore tout à fait cicatrisée. La clémentine qu’elle tiendra entre ses mains durant tout l’entretien ne sera jamais épluchée.
Il y a cinq ans, elle publiait l’album Quiet Signs, au retentissement international. Peuplé d’une musique folk mystérieuse, de sa voix spectrale qui survolait de douces rengaines, il illustrait en des termes sonores la même fragilité qui se dégage de sa génitrice. «Avec le recul, je vois cet album comme un diplôme, comme si j’avais passé une étape, assure-t-elle. Je pense aussi beaucoup à l’album d’avant, On Your Own Love Again [paru en 2015, ndlr]. Je l’avais vra