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Bras de fer

IA : face au siphonnage de leurs œuvres, les artistes multiplient les actions en justice

Game of Thronesdossier
Dernier épisode en date d’une série de procédures judiciaires intentées par des artistes contre les plateformes faisant appel à l’IA, l’auteur de «Game of Thrones» George R. R. Martin porte plainte contre OpenAI, la maison mère de ChatGPT.
En 2023, plusieurs auteurs et illustrateurs, ainsi que l'agence d'illustration Getty Images ont porté plainte contre des entreprises spécialisées dans l'IA pour non-respect de la propriété intellectuelle. (Dado Ruvic/REUTERS)
publié le 21 septembre 2023 à 21h50

Entre artistes et intelligences artificielles, le bras de fer judiciaire s’intensifie. Un collectif d’écrivains, parmi lesquels l’auteur de la saga à succès Game of Thrones, attaque ce jeudi 21 septembre OpenAI, la maison mère de ChatGPT, pour «non-respect des droits d’auteur». A mesure que le robot conversationnel ChatGPT, les intelligences artificielles génératrices d’images Midjourney et DALL-E, et dernièrement les programmes d’altération vocale gagnent en popularité, leurs productions se retrouvent dans le collimateur des auteurs ou de leurs ayants droit, que ce soit dans les domaines de la littérature, de l’image ou de la musique.

Si ces outils peuvent représenter une aide dans le processus de création, leur utilisation vise parfois à remplacer carrément les artistes. Or pour s’alimenter, ces programmes doivent ingurgiter une grande partie de leurs travaux originaux. Cela n’a pas échappé aux auteurs. En juillet, ce sont les écrivains Sarah Silverman, Christopher Golden et Richard Kadrey qui poursuivaient OpenAI et Meta aux Etats-Unis pour «non-respect de copyright». Dans leur plainte ils dénoncent un apprentissage des IA basé sur le siphonnage de données illégalement acquises provenant de «shadow library», des sites qui permettent d’accéder gratuitement à des milliers d’ouvrages. Et invoquent également une «utilisation de travaux soumis à des droits d’auteurs sans consentement, crédit ni compensation».

Accusations difficiles à étayer

En cause, la capacité des programmes à résumer leurs livres de manière un peu trop précise au goût des écrivains – malgré quelques erreurs – ce qui trahirait un accès à la totalité de leur contenu. Mais de telles accusations restent difficiles à étayer. Le juge William Orrick, en charge de l’affaire, s’est dit enclin à rejeter une bonne part des accusations du groupe d’artistes, tout en les encourageant à formuler une nouvelle plainte en étoffant plus concrètement leurs accusations : avoir accès au code source de Stability AI devrait leur permettre de comprendre le fonctionnement de la base de données utilisée par l’IA. Cet été, les auteurs Mona Awad et Paul Tremblay ont également accusé OpenAI de nourrir ChatGPT de leurs œuvres avec des arguments similaires.

Le domaine de l’image n’est pas épargné, avec des IA comme Dall-E ou Midjourney qui se sont fait connaître du grand public pour leur facilité d’utilisation et la qualité des images générées. Trois illustratrices, Sarah Andersen, Kelly McKernan et Karla Ortiz, ont ainsi déposé en janvier 2023 une plainte collective aux Etats-Unis contre Stability AI, Midjourney et Deviant Art. Le même mois à Londres, Getty Images, la plus grande agence d’illustrations, photos et vidéos américaine, publiait un communiqué annonçant une procédure à l’encontre Stability AI, affirmant que l’entreprise aurait violé des droits de propriété intellectuelle en «copiant et traitant illégalement des millions d’images protégées par le droit d’auteurs» représentés par Getty Images.

Dans le secteur du jeu vidéo, déjà précaire pour nombre de ses petites mains, l’industrie ne se cache pas de faire appel aux IA : «Nous utilisons l’intelligence artificielle pour générer des lignes de storytelling permettant d’enrichir l’histoire dans le jeu, ou encore produire du code», reconnaissait fin août auprès de l’AFP Linus Gärtig, de la société berlinoise Ivy Juice Game. Si le milieu artistique se mobilise pour protéger ses créations et ses droits d’auteur, le développement rapide de l’IA déstabilise déjà de nombreux secteurs économiques. Onclusive, une entreprise de veille médiatique basée à Courbevoie (Hauts-de-Seine), vient ainsi d’annoncer un des premiers plans massifs de licenciement dus à l’IA en France. Face à l’explosion de cette technologie, la loi peine à s’adapter.