Loin des dîners caritatifs, des mails de relance incessants ou encore des interpellations de recruteurs dans la rue, le ZEvent a participé à réinventer la façon de récolter des financements pour des œuvres caritatives en France. Ce marathon annuel de cinquante heures dédié au streaming de jeux vidéo tient sa neuvième édition ce week-end à la fois en physique – à Montpellier – et en ligne sur la plateforme Twitch. Lancé par l’un des streamers stars de l’Hexagone, Zerator, il rassemble nombre de figures connues d’Internet. L’objectif est d’inciter le public à donner massivement, pour ensuite reverser la somme à plusieurs associations. L’an dernier, 10 millions avaient été récoltés.
Auprès de Libération, Frédéric Théret, directeur du développement de la Fondation de France, qui assure la collecte des fonds pour le ZEvent et le versement des dons aux associations bénéficiaires, explique les spécificités de cet événement et les bouleversements qu’il provoque dans le domaine caritatif.
Comment ont évolué les dons en France ces dernières années ?
Les Français sont généreux, les dons ne baissent pas [ils ont même progressé de 1,9 % l’an dernier, selon France générosités, ndlr]. Mais la générosité est en mutation. Aujourd’hui, nous achetons tout en ligne, et nos façons de donner sont à l’image de nos modes de consommation. Le don traditionnel – le chèque annuel envoyé par un donateur fidèle – est en baisse, et de nouvelles formes de mobilisation émergent, comme le ZEvent, qui est devenu une référence dans le monde. L’an dernier, il a même battu le record mondial du nombre de dons à la minute.
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Comme le Téléthon il y a trente ans pour la télévision, le ZEvent est aujourd’hui une sorte de vitrine, un modèle. Tandis que nous sommes encore en train de comprendre le digital et que toutes les ressources ne sont pas totalement exploitées, cet événement permet d’ouvrir la porte à d’autres formes de collectes en lignes.
Les 10 millions du ZEvent restent pourtant loin des presque 100 millions collectés par le Téléthon…
Ce sont chacune des opérations uniques dans leurs catégories. Le Téléthon est un marathon télévisuel qui implique des événements partout en France, intègre des milliers de bénévoles, est implanté depuis trois décennies. Il est difficile de comparer cet événement télévisé très installé et classique, qui fonctionne avec des promesses de dons, et le ZEvent, lancé en 2016, durant lequel ce sont les petites contributions qui sont privilégiées – on peut donner 1 à 2 euros seulement.
En outre, il est entièrement digital et ne bénéficie pas de la visibilité de chaînes de télévision nationales. Tout le monde ne connaît pas la plateforme Twitch, il y a quelques années de cela, personne n’aurait cru qu’il soit possible d’y collecter 10 millions d’euros !
Comment cet événement digital permet de récolter autant de dons ?
Lors du ZEvent, on ne retrouve pas une logique du don individuel et isolé, mais une dynamique collective. C’est aussi un format très ludique, avec de nombreux divertissements, favorisant un appel dynamique à faire des dons. Il rassemble tant Samuel Etienne [journaliste, présentateur télé et créateur d’une chaîne de décryptage d’actu et de streaming de jeux sur Twitch] que d’autres joueurs plus traditionnels de jeux vidéo. Tous n’ont pas le même public, chacun des streamers vient avec sa communauté. Ce qui permet d’avoir un public très vaste – des centaines de milliers de personnes – et très hétérogène.
Quel rôle joue la plateforme de diffusion de vidéos Twitch dans ce processus ?
Twitch est déterminant, notamment grâce à l’intégration de moyens de paiement simplifiés. La Fondation de France a travaillé sur ces outils pour garantir la transparence et la sécurité des dons. Une fois vos coordonnées enregistrées, vous pouvez donner en un clic, autant de fois que vous le souhaitez.
Bilan
Et puis la plateforme valorise chaque contribution, car le pseudo du donateur apparaît, les streamers remercient en direct… Chacun a le sentiment de compter dans la chaîne de générosité, même avec un euro. Et en étant sur Twitch, l’événement touche notamment les 18-35 ans qui sont, en temps normal, moins enclins à donner.
Les gains du ZEvent stagnent ces trois dernières années à 10 millions. Comment interpréter ce plafonnement ?
Je ne parlerais pas de stagnation, mais plutôt de maturation assumée. Depuis la première édition, le ZEvent a grandi chaque année, avec l’ajout de streamers, la mise en place de concerts au Zénith de Montpellier… En 2023, il n’y a pas eu d’édition car les organisateurs ont fait le choix de se poser et de réfléchir à l’avenir de l’événement.
En 2024, ils ont finalement décidé de ne pas se lancer dans une course au «toujours plus». L’idée a finalement été de créer un rendez-vous régulier et pérenne, sans qu’il y ait trop de pression sur le public. Cette année, si l’événement récolte 9 millions d’euros, ce sera formidable. Et puis ces chiffres représentent tout de même des sommes considérables pour les associations.