Du stress, du suspense, des rebondissements… Dès les nouvelles annonces de Jean Castex, jeudi, la partie était lancée. Pour les disquaires et les libraires, facile : eux ont su d’entrée de jeu que leurs boutiques pourraient rester ouvertes dans les seize départements soumis aux «mesures de freinage» de la pandémie. Mais pour les commerces de jeux vidéo, le niveau de difficulté a été tout autre. Un long week-end, des appels en rafale et une petite mobilisation, voilà ce qu’il a fallu avant que les syndicats du secteur confirment la réouverture des magasins, lundi. De quoi faire pousser un long soupir aux professionnels : les jeux vidéo sont des biens culturels essentiels en pandémie.
Qu’on les utilise comme un moyen d’évasion ou, au contraire, comme une façon de garder contact avec des amis, les jeux vidéo, qui ont obtenu en 2008 le statut de «premier loisir de Français», nous font du bien. Nicolas Vignolles, délégué général au Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, confirme : «Le jeu vidéo a été un énorme exutoire pendant le confinement par son côté social avec sa possibilité de jouer avec d’autres, de retrouver ses copains en ligne…» En novembre, plus de 500 millions d’utilisateurs étaient ainsi à bord du jeu multijoueur Among Us. Au début du premier confinement, la sortie d’Animal Crossing New Horizons, dans lequel il est également possible de jouer à plusieurs, remportait toutes les mises. Au total, en fin d’année, plus de 22 millions de joueurs devaient des clochettes à Tom Nook.
Poussons le joystick un cran plus loin. Pour le délégué général, les jeux vidéo seraient même une bonne façon de lutter contre la propagation de l’épidémie : «Confiner une population jeune et la priver de son premier loisir, ce n’est pas intelligent, tactiquement, d’un point de vue sanitaire, pour l’inciter à rester chez elle.» Bon, exception peut-être faite de Pokémon Go, se jouant en plein air et engageant à la rencontre physique entre joueurs.
«Boomers déconnectés»
Ces revendications, le syndicat est bien loin d’être le seul à les porter. Au lendemain des annonces du Premier ministre, qui prévoyait à l’origine la fermeture des magasins de jeux vidéo, on ne comptait plus les réactions exaspérées de gamers ou de professionnels. «Malheureusement, encore beaucoup considèrent le jeu vidéo comme une sous culture !» s’indigne un twitto. «On voit bien que ce sont des boomers déconnectés qui sont à la tête de notre gouvernement», renchérit un autre.
Certains influenceurs y vont de leur tweet aussi, comme Julien Chièze. «Vous qui avez su écouter les libraires et disquaires, n’oubliez pas le jeu vidéo», écrit alors le Youtubeur, tout en interpellant Emmanuel Macron, Jean Castex et Roselyne Bachelot, ministre de la Culture. Des politiques, enfin, s’en mêlent, à l’instar de Jean-Luc Mélenchon, l’élu insoumis réputé technophile, qui, au micro de France info, condamne : «Je vais vous donner un exemple qui montre le caractère absurde, bureaucratique, technocratique des décisions prises : alors on ouvre les librairies, on ouvre les disquaires, et les jeux vidéo ?»
Alors qu'un nouveau confinement débute ce soir, j'ai quelque chose à dire à @EmmanuelMacron @R_Bachelot et @JeanCASTEX : vous qui avez su écouter les libraires et disquaires, n'oubliez pas le jeu vidéo, loisir culturel numéro 1 en France 🇫🇷 https://t.co/4F8Klac7xG pic.twitter.com/KyHbWYl4KS
— Julien Chièze (@JulienChieze) March 19, 2021
Finalement, après avoir, vendredi, «appelé tous les cabinets ministériels» et attendu une réponse, Nicolas Vignolles découvre, samedi, la publication d’un nouveau décret au Journal officiel. Un nouveau décret en modifiant un autre, daté du 29 octobre 2020, détaillant la liste des magasins autorisés à ouvrir. «Plus personne ne décrochait dans les cabinets ministériels, on l’a juste vu tel quel, retrace Nicolas Vignolles. On n’est pas tous des juristes, on a passé du temps, on l’a lu dans tous les sens et finalement on a vu que dans la liste il y avait les ”commerces de détail d’ordinateurs, d’unités périphériques et de logiciels en magasin spécialisé”.»
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Une nomenclature comprenant bien les boutiques de jeux vidéo. Seules exceptions ? Celles installées dans les galeries marchandes de centres commerciaux de plus de 20 000 m², fermées, elles, depuis le mois de janvier. «Toute cette histoire montre que du côté des strates politiques, parfois, on n’a pas encore tout à fait pris la mesure de ce qu’était cette pratique culturelle», conclut le délégué général. Malgré cet anachronisme politique, ce dernier se réjouit : oui, avec cette mesure, on fait bien un par vers la reconnaissance du caractère essentiel de ce dixième art.