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Libération
Fiesta marketing

«Grand Theft Auto» : ce que laisse deviner le trailer de GTA VI qui a fuité en pleine nuit

Sa grande opération de marketing sabotée dans la nuit, Rockstar a dévoilé plus tôt que prévu le trailer du nouveau «Grand Theft Auto». Ce sixième opus s’annonce tout aussi bruyant, vulgaire et américain que ses glorieux prédécesseurs.
Une image tirée de la bande-annonce de GTA VI montrant le couple de héros. (-/AFP)
publié le 5 décembre 2023 à 7h32

L’affaire est si ridicule qu’elle en deviendrait presque poétique. Depuis des semaines, la grande hype marketing montait. Avec la rumeur d’une annonce, la confirmation d’une annonce à venir, puis une image permettant de dater ladite annonce. Le monde retenait son souffle avant la révélation d’un nouveau Grand Theft Auto, messie pop et trash du jeu vidéo. Et puis la grande fiesta marketing a été sabotée par quelques «cryptobros», tels des Grinch surgis de nulle part pour voler Noël. Dans la nuit du lundi 4 au mardi 5 décembre vers minuit, la bande-annonce de ce sixième opus de GTA a été piratée, mise en ligne avec un gros logo dégueu renvoyant vers des cryptomonnaies. Forçant le plus puissant des studios de jeux vidéo à précipiter la diffusion de sa bande-annonce, qui était censée casser Internet mardi à 15 heures tapantes.

Le jeu monstre a donc un titre (GTA VI), un lieu (Vice City) et une date (2025). Si les joueurs attendent un nouvel épisode depuis dix ans, cela faisait vingt et un ans (ouch) que le studio n’avait pas réinvesti la Floride de pacotille de Vice City. Depuis justement GTA Vice City (2002, même s’il y a eu aussi un Vice City Stories, plus modeste en 2006), le successeur de GTA III, épisode révolutionnaire qui a posé les fondements du jeu en monde ouvert moderne, désormais alpha et oméga des superproductions du jeu vidéo. Si GTA III s’appuyait sur le cinéma de Scorsese et les Affranchis, Vice City était son petit frère turbulent, outrancier, crétin. Né de l’union de Scarface et de Miami Vice. En étendard : des néons, des costumes en flanelle, des putes et de la coke.

Il reste un petit fond de ce Miami grotesque dans le trailer mis en ligne par Rockstar : des hors-bord de narcos, des déambulations en décapotables, des low-riders, des bimbos qui se pavanent en maillots sur les rooftops du centre-ville. Une vulgarité rétro qui se mêle à une nouvelle venue des réseaux sociaux. La moitié de la bande-annonce se présente sous la forme de vidéo TikTok ou de reels, images carrées sur fond gris et flou avec pluie de like où s’enchaînent un vieux à moitié à poil sur un yacht (une parodie de Ron DeSantis, le gouverneur de Floride, lui-même déjà une parodie de conservateur), un redneck à casquette USA, des séances de booty shake sur le toit de grosse bagnole, et une sénior groggy, sur son porche, en robe de chambre, un marteau dans chaque main. C’est du Grand Theft Auto typique : bruyant, vulgaire, américain.

Tout ce qui avait fuité il y a quelques mois se confirme peu ou prou. Le cadre, mais aussi le tandem très Bonnie & Clyde des personnages que le joueur devrait incarner. Un personnage féminin chez Rockstar – enfin ! On découvre Lucia en cabane («la faute à pas de chance», fait-elle mine de supposer), avant qu’elle ne braque une supérette. Fil rouge du trailer, elle encourage son mec à tenir bon sur un mode «nous contre le reste du monde». Deux personnages, donc, comme on en incarnait trois dans GTA V, basculant de l’un à l’autre à volonté. A ceci près qu’il s’agit a priori ici d’un couple, et qu’avec vient la promesse d’une intimité, d’émotions, de complicité. Subtilité à laquelle la série ne nous a pas forcément habitués… Mais on suppute déjà.

GTA finalement… réaliste ?

En l’état, tout ce que l’on sait vraiment, c’est que GTA VI promet un jeu turbulent, pétaradant, violent, excessif. Bref, un Grand Theft Auto… A ceci près que les années Trump sont passées par là, et que la plupart des horreurs croisées dans la série (notamment ses talk-shows radios) se sont plus ou moins réalisées depuis. En pire. Quelle place les timbrés de QAnon laissent-ils pour la parodie ? Quelle place pour l’outrance quand la Cour suprême revient sur le droit à l’avortement ? C’est peut-être ça, le plus surprenant. Le côté presque réaliste de ce nouveau GTA qui se profile. Simple collision entre l’Amérique d’un clip de rap et celle de Fox News.

L’effet de réel est évidemment encouragé par la qualité visuelle, qui s’annonce splendide pour un jeu de cette ampleur, selon ce que fait miroiter Rockstar. Au sommet de la chaîne alimentaire, le studio peut en vérité tout se permettre, et coller autant de développeurs qu’il désire sur ce jeu monstre. Il sera rentabilisé de toute façon. Au dernier recensement fin août, Grand Theft Auto V s’est écoulé à plus de 185 millions d’exemplaires, la série des GTA cumulant quant à elle 400 millions de ventes. Si un jeu peut s’autoriser de déchaîner toutes les folies du capitalisme, c’est bien GTA VI.