D’un western fantastique à une aventure paléofuturiste, d’un outre-monde dark fantasy aux reconstitutions chromées d’ères antiques, le jeu vidéo accouche sans cesse de nouvelles terres imaginaires, livrées dans un hyperréalisme au brillant ray tracing ou façonnées autour de designs minimalistes. Et de temps en temps, un de ces jeux vient secouer notre appréhension de ces terres numériques. En découvrant l’approche du modeste Norco, une évidence s’impose : la spatialité n’est quasiment jamais envisagée par le biais d’un ancrage local, la peinture – fidèle ou, ici, imagée – d’un lieu tel qu’il est vu, vécu, compris par ses développeurs. De par ses choix de couleurs, sa façon de choisir avec précision ses mots, par la façon qu’il a de donner une tessiture à l’air, le jeu semble profondément enraciné. «Norco» n’est pas un acronyme comme on le pensait, mais le nom d’un territoire de 3 000 habitants en Louisiane. Même pas une ville, nous dit Wikipédia, mais une «unité de recensement». Un lieu secoué, au début du XIXe, par la première grande révolte d’esclaves, qui après avoir tourné le dos à l’exploitation du sucre de canne devenue trop chère s’est jeté dans les bras de l’industrie pétrolière. Norco est une ville Shell, renommé «Shield» dans le jeu.
Ce passé-là affleure dans le futur poisseux, âcre, imaginé par le studio Geography of Robots, qui se présente comme «un espace d’expérimentations explorant les géographies cachées, le folklore et les histoires ancrées d