On a beau chercher, on ne voit pas d’autres exemples. Pas d’autres exemples de monument du cinéma qui offre l’une de ses œuvres, et pas n’importe laquelle, à une (encore) jeune metteuse en scène qu’il n’a jamais rencontrée, en lui disant «d’en faire ce qu’elle souhaite». Pas d’autre exemple de geste aussi généreux, ludique et expérimental. Le grand documentariste Frederick Wiseman savait-il combien le travail artistique de Julie Deliquet s’intrique dans ses engagements et se nourrit d’eux, se situe «in vitro» comme le nom de la compagnie qu’elle a créée en 2009, avant de lui «offrir» Welfare, trésor de film, qui nous plonge dans un centre d’aide sociale à New York en 1973 et qui curieusement n’avait jamais jusqu’à maintenant connu de sortie nationale en France ? Directrice du centre dramatique de Saint-Denis, le théâtre Gérard-Philipe (TGP) depuis 2020 Julie Deliquet a toujours pratiqué l’égalité salariale dans son collectif, et peu d’équipes artistiques connaissent par la pratique aussi intimement le territoire dans lequel elles œuvrent. Julie Deliquet nomme le cinéaste «Fred», sa parole est un flot, avec des incises, des explications, des images. Lui, qui l’appelle «Julie», est plus laconique : il pointe l’essentiel, amusé et attentif à sa cadette. Cinquante ans les séparent : Julie Deliquet a précisément l’âge qu’avait le cinéaste lorsqu’il a posé sa caméra et son regard dans le centre social new-yorkais.
La veille de la rencontre, Julie Delique