Il y a des destins brisés qui résument tous les malheurs d’une époque. Comme si leur succession, maigre consolation, avait un sens, donnait à voir toute l’ampleur d’une tragédie, sous toutes ces facettes, à un moment précis de l’histoire de l’humanité. Difficile de discerner quelle est la part de fiction et de réel dans l’histoire de Julienne, qui nous est contée dans le dernier roman éponyme de Scholastique Mukasonga.
La photo qui apparaît sur le bandeau du livre le rappelle : Julienne a bien existé. C’est la sœur de l’auteure, elle-même née en 1956 au Rwanda, qu’elle quittera en 1973, comme la sœur aînée de Julienne dans le roman, pour le Burundi voisin, suite à l’un de ces pogroms contre la minorité tutsie qui vont jalonner l’histoire de ce petit pays. Et ce jusqu’au génocide de 1994, déclenché contre cette même minorité qui avait été stigmatisée depuis la veille de l’indépendance. Arrivée en France, en 1992, devenue assistance sociale, mariée à un Français et installée en Normandie, Scholastique Mukasonga devient écrivain dix ans plus tard. De 2006 à ce jour, ses livres évoquent non pas le génocide, mais les temps qui le précèdent. Cette montée des périls, qui